
La Saint-Valentin au Japon
Au plein cœur de l’hiver japonais, le Japon célèbre lui aussi la Saint-Valentin le 14 février, mais oubliez les roses rouges et les bijoux : ce sont les chocolats qui sont au centre de la fête ! À cette occasion, les rues se parent de décorations et les vitrines des boutiques regorgent de créations chocolatées. Plus que partout ailleurs, c’est un événement commercial qui invite tout le monde à consommer, et pas seulement les couples ! Fidèle à son habitude de réinterpréter les fêtes occidentales comme Noël ou Halloween, le Japon a façonné cette tradition païenne à sa manière, avec des codes bien ancrés dans sa culture. Je vous propose donc aujourd’hui d’en apprendre plus sur la Saint-Valentin au Japon !
LES PARTICULARITÉS DE LA SAINT-VALENTIN AU JAPON
Tandis que la Saint-Valentin évoque ailleurs des roses rouges, des bijoux et des dîners romantiques, le Japon a su transformer cette célébration pour en faire un événement bien à lui et lui donner une saveur unique. Ici, ce sont les chocolats qui prennent la place d’honneur, mais d’une manière bien précise : la Saint-Valentin est le jour où les femmes offrent des chocolats aux hommes. Introduite dans les années 1960, cette tradition reflète les changements d’une société en mutation, où les mariages par amour commençaient à remplacer les unions arrangées, auparavant majoritaires. La Saint-Valentin est ainsi devenue une occasion pour les femmes d’exprimer leurs sentiments, dans un contexte où les démonstrations d’amour directes restaient discrètes. Les écoles ont joué un rôle clé dans la popularité de cette coutume : les jeunes filles attendaient cette journée avec impatience, prêtes à offrir leurs chocolats afin de confesser leur amour.
Dans les années 1980, la Saint-Valentin a dépassé les limites du romantisme pour embrasser les sphères sociales et professionnelles. C’est ainsi que les giri choco, ou « chocolats de politesse », ont vu le jour. Ces chocolats, offerts aux collègues ou supérieurs, se sont rapidement imposés comme une marque d’attention respectueuse. Dans un Japon où la culture du cadeau est profondément ancrée, notamment envers les personnes que l’on côtoie au quotidien, ces chocolats de politesse ont trouvé leur place avec une facilité déconcertante, devenant une pratique incontournable.
LA FOLIE DES CHOCOLATS DE LA SAINT-VALENTIN


La Saint-Valentin au Japon plaçant le chocolat au cœur de la fête, c’est tout naturellement que les confiseries, grandes enseignes et artisans rivalisent de créativité pour conquérir les cœurs (et les papilles) avec des créations originales, sophistiquées et attractives. Chaque 14 février, le Japon consomme près de 20% de son chocolat annuel. Les pâtisseries et chocolateries sont prises d’assaut, et les supermarchés multiplient les promotions spéciales. Néanmoins, c’est aussi paradoxalement l’une des pires périodes pour acheter et déguster du chocolat : face à une demande massive, la production privilégie souvent la quantité à la qualité et fait grimper les prix de manière assez peu justifiée, un phénomène similaire à celui du poulet à Noël.
La Saint-Valentin japonaise est une affaire sérieusement codifiée. Offrir du chocolat, c’est presque une obligation, mais attention : pas question de choisir au hasard ! Selon le message que l’on souhaite transmettre et la personne à qui on l’offre, le type de chocolat, son goût, son prix, et même son emballage peuvent tout changer. Amour passionnel, amitié sincère, simple politesse ou geste familial : chaque situation a ses règles. Mal choisi, un chocolat peut créer un malentendu, voire une gêne. Alors, mieux vaut y réfléchir à deux fois et trouver le bon chocolat pour chaque relation !
Voici les différents types de chocolats à offrir à l’occasion de la Saint-Valentin au Japon :
- Honmei choco : les chocolat pour l’être aimé. Offerts à la personne que l’on aime, ces chocolats sont parfois faits maison pour ajouter une touche personnelle. Ils s’offrent aussi bien pour déclarer son amour (surtout dans les cours d’école) qu’à son partenaire ou époux.
- Giri choco : les chocolats de politesse. Ces chocolats sont offerts par obligation sociale, principalement dans un contexte professionnel. Ils sont destinés à des collègues, supérieurs ou autres relations professionnelles. L’idée est d’exprimer du respect, de la gratitude ou simplement de maintenir de bonnes relations sans connotation romantique.
- Tomo choco : les chocolats d’amitié. Particulièrement populaires entre ami(e)s, ces chocolats célèbrent les relations amicales. Ils s’offrent le plus souvent entre jeunes filles plutôt qu’au sexe opposé.
- Fami choco : les chocolats de famille. Ils sont réservés aux membres de la famille : pères, fils, frères, grands-pères, tontons, voire cousins ou neveux.
- Jibun choco : les chocolats pour soi. Une tendance récente qui consiste à se faire plaisir soi-même avec des chocolats de qualité bien réconfortants.
- Gyaku choco : les chocolats inversés. Ici, ce sont les hommes qui offrent des chocolats aux femmes, une pratique encore assez marginale.
- Fan choco : les chocolats de fan. Des douceurs offertes par des admirateurs à des célébrités, des groupes d’idol, ou même des mascottes emblématiques comme Kumamon, qui en reçoit chaque année quelques centaines. Ces chocolats s’accompagnent parfois de cartes de remerciement personnalisées.
- Osewa Choco : les chocolats de remerciement. Il s’agit de chocolats offerts à des personnes à qui l’on est particulièrement reconnaissant, qui nous ont grandement aidé.
LE WHITE DAY, LA SECONDE PARTIE DE LA SAINT-VALENTIN AU JAPON
Un mois après la Saint-Valentin, le 14 mars, le White Day permet aux hommes de rendre la pareille. Invention japonaise permettant encore une fois au pays de réinterpréter la fête, le White Day remonte aux années 1980, initié par des entreprises japonaises cherchant à créer de nouvelles chances de ventes dans un contexte de bulle économique prospère. L’idée était de prolonger l’esprit de la Saint-Valentin, tout en ajoutant une notion de réciprocité. Ainsi, le 14 mars, c’est au tour des hommes d’offrir des cadeaux aux femmes. Des chocolats blancs et sucreries, mais pas que : des bijoux et accessoires, des dîners dans de bons restaurants ou encore des voyages peuvent également être offerts, selon la relation avec la destinataire. Idéalement, il faudrait que le cadeau offert équivaille à 3 fois le prix des chocolats reçus pour la Saint-Valentin. Ce principe est loin d’être systématiquement respecté, mais c’est en théorie.
Si, comme on l’a vu, les chocolats de la Saint-Valentin s’offrent à de un grand nombre de personnes, les cadeaux du White Day sont tout aussi nombreux, puisqu’ils constituent une réponse ou un remerciement de la Saint-Valentin. Ils ne concernent donc pas que les couples, mais également les membres de la famille, amis, ou encore collègues. Le marché des sucreries et des cadeaux a connu un essor notable grâce au White Day, rapidement devenu une date importante dans le calendrier commercial et culturel japonais. Bien que la notion de réciprocité en fasse une fête plus équilibrée (il suffit juste de répondre à ce que l’on a reçu), les pressions sociales autour de cette journée, comme pour la Saint-Valentin, restent bien présentes.
QUAND LA SAINT-VALENTIN DEVIENT UNE SOURCE DE STRESS


Derrière l’effervescence des chocolats, la Saint-Valentin et le White day constituent une véritable source de stress et une pression écrasante. Surtout dans le milieu professionnel avec les giri choco, les chocolats que l’on offre à ses collègues et supérieurs. Il serait très mal perçu d’en offrir uniquement à ceux avec qui l’on s’entend bien, ce qui signifie qu’il faut aussi en apporter pour aux personnes que l’on apprécie moins et à qui l’on n’a pas du tout envie de faire un cadeau. Pour les femmes, le choix des chocolats et leur distribution n’est pas évident, surtout qu’en plus de ces chocolats au travail, il faut également s’occuper de ceux pour la famille. Pour les hommes, le White Day impose quant à lui un devoir de réciprocité, avec un certain coût puisqu’il convient d’offrir un cadeau plus important que celui reçu un mois plus tôt.
Cependant, ces pratiques évoluent. Les chocolats de politesse, vus comme une contrainte aussi bien par les femmes que les hommes, se raréfient. De plus en plus d’entreprises prennent les devants en demandant aux employés de ne pas s’offrir de chocolats afin d’éviter tout stress inutile. Les chocolats pour déclarer son amour, quant à eux, sont assez désuets et surtout l’apanage des écoliers de la maternelle et du primaire. Aujourd’hui, la catégorie dominante est celle des fami choco, les chocolats que l’on offre à sa famille : mari, fils, père, beau-père, frères, beaux-frères, oncles, neveux… On partage des douceurs (ou des coupons cadeaux via l’application LINE) avec ses proches, sans ressentir d’obligation sociale. La Saint-Valentin au Japon tend ainsi à devenir de plus en plus une fête familiale, s’éloignant de son côté strictement romantique et réduisant la pression d’offrir des chocolats à tous les hommes, notamment aux collègues. Cela dit, la fête reste attendue et demeure un moment clé pour l’industrie du chocolat, qui génère une énorme partie de ses ventes à cette période. Cette évolution reflète surtout un changement de mentalité et une volonté de ne plus mélanger les relations professionnelles et personnelles comme ce fut le cas durant des décennies.
Aujourd’hui, la Saint-Valentin japonaise est une fête commerciale importante, enrobée de gourmandise, et avec moins de pression sociale qu’il y a quelques années. J’espère que cet article vous a permis d’en apprendre plus sur la manière qu’a le Japon de célébrer la Saint-Valentin. Pour encore plus de découvertes en ce mois de février, n’hésitez pas à consulter mes articles sur les endroits où admirer les pruniers au Japon et sur les festivals de neige à voir au Japon.