Ozu, la jolie ville féodale méconnue d’Ehime
Ozu, la jolie ville féodale méconnue d’Ehime

Ozu, la jolie ville féodale méconnue d’Ehime

Située dans la préfecture d’Ehime, Ozu est une ancienne ville féodale qui propose une magnifique promenade dans un Japon qui nous invite à ralentir, à prendre le temps de savourer chaque pas, chaque coin de rue. Cité-château traversée par la rivière Hijikawa, Ozu a conservé un riche patrimoine : un château en bois reconstruit avec soin, des maisons de marchands, des entrepôts de briques rouges, et des ruelles où plane encore l’ombre de l’époque d’Edo. Depuis quelques années, la ville a entamé une belle dynamique de renouveau : plusieurs bâtiments historiques ont été restaurés avec goût, et accueillent aujourd’hui cafés, galeries, auberges ou commerces. Loin du folklore, Ozu mise sur une forme de tourisme lent et engagé, qui met en valeur l’âme des lieux. Aujourd’hui, je vous propose une promenade à la découverte d’Ozu afin de donner un bel aperçu de ce que cette petite ville à l’élégance discrète a à offrir.

La rue Ohanahan-dori

Située dans le quartier historique d’Ozu, la rue Ohanahan-dori plonge les visiteurs dans le Japon de l’époque d’Edo. Ancien chemin d’apparat du seigneur local, elle a conservé son tracé d’origine ainsi que ses maisons traditionnelles, fidèlement préservées. La promenade y est douce et agréable, entre vieux entrepôts en briques et bâtisses en bois abritant quelques boutiques d’artisanat, de jolis cafés et restaurants au charme rétro. Ce n’est pas un quartier très étendu ni très commerçant, mais l’ambiance y est paisible, propice à la flânerie. On y retrouve ce charme intemporel propre aux bourgs d’autrefois, comme figé dans le temps.

La villa Garyu Sanso

Parmi les trésors patrimoniaux d’Ozu, on trouve la jolie villa Garyu Sanso. Construite vers 1900 par Torajiro Kouchi, un marchand fortuné passionné par la culture du thé, cette villa en bois de style sukiya-zukuri (un style architectural sobre et raffiné utilisé pour les pavillons de thé) surplombe la rivière Hijikawa depuis un promontoire rocheux. L’ensemble, bien intégré au relief naturel, se compose de plusieurs pavillons traditionnels entourés d’un jardin paysager conçu comme un belvédère. On y découvre de beaux points de vue sur le mont Tomisuyama, les collines avoisinantes et la rivière en contrebas. Trois bâtiments du complexe (Garyu-in, Furo-an et la bibliothèque) sont classés Trésors Culturels Nationaux, témoignant de l’importance historique et esthétique du lieu. Garyu Sanso est souvent cité comme l’un des exemples les plus aboutis d’intégration entre architecture et paysage dans la région.

Le sanctuaire Ozu-jinja

Juste à côté de la villa Garyu Sanso, sur les hauteurs boisées de la ville, le sanctuaire Ozu-jinja veille sur le vieux bourg depuis près de 700 ans. Fondé en 1331 lors de la construction du château, ce lieu de culte shinto était vénéré par les seigneurs d’Ozu depuis l’époque de Kamakura (1185-1333). Pour y accéder, on emprunte un long escalier de pierre qui grimpe à travers la végétation jusqu’à une petite aire de prière. Une fois au sommet, la vue s’ouvre sur le château et les toits du centre historique en contrebas.

La résidence Bansenso

Située sur une colline dominant la vallée de la rivière Hijikawa, la résidence Bansenso est une élégante demeure construite en 1926 par Kunigoro Matsui pour honorer le souhait de son père, Kenzaburo. Elle offre une vue dégagée sur les montagnes aux alentours. L’architecture mêle éléments occidentaux rares pour l’époque (balcon, toiture ornée de tuiles gravées   »K.M. »  pour Kenzaburo Matsui) et bois exotiques venus d’Asie du Sud-Est, reflets du goût international propre à l’ère Taisho (1912-1926). Le nom «  Bansenso » (« maison de la source jaillissante  ») fait référence à l’eau de source qui alimente toujours la propriété. La maison, aujourd’hui ouverte au public, se visite librement et permet de découvrir un magnifique intérieur préservé, ainsi qu’un jardin d’époque.

Le château d’Ozu

château ozu
Vue sur le château d’Ozu.

Lieu emblématique de la région, le château d’Ozu domine la ville depuis une colline au bord de la rivière Hijikawa. Son origine remonte à 1331, lorsque la première forteresse fut érigée par Utsunomiya Toyofusa. Au fil des siècles, plusieurs seigneurs ont transformé la citadelle, notamment durant l’époque d’Edo (1603-1868). L’édifice visible aujourd’hui est en fait le résultat d’un projet de reconstruction ambitieux : détruit à plusieurs reprises, il a été rebâti progressivement depuis les années 1950, avec un point d’orgue en 2004, date à laquelle le donjon principal a été achevé. Particularité rare au Japon : il a été reconstruit entièrement en bois, selon les techniques traditionnelles, sans recourir au béton. Ce choix confère à l’ensemble une authenticité remarquable. Il abrite un petit musée consacré à l’histoire locale, et depuis ses remparts, on profite d’une vue dégagée sur la rivière et les toits de la vieille ville.

Les hôtels Nipponia

À Ozu, l’hébergement fait partie de l’expérience. Depuis 2020, la ville a misé sur un concept original : transformer le quartier historique en véritable ville-hôtel. C’est le projet porté par Nipponia, une entreprise spécialisée dans la revitalisation de lieux oubliés à travers le Japon. Ici, plusieurs maisons anciennes ont été rénovées et reconverties en hébergements de charme sous le nom de Nipponia Hotel Ozu. Plutôt que de concentrer les chambres dans un seul bâtiment, l’idée est de disséminer les hébergements dans tout le centre ancien. Chaque maison a son style, son histoire, ses petits détails d’époque. En séjournant ici, on découvre Ozu pas à pas, en flânant d’un pavillon à l’autre, du restaurant à la salle de bain, comme si la ville entière devenait un complexe d’auberges. Certains bâtiments accueillent un commerce au rez-de-chaussée et des chambres à l’étage, à l’image de ce que l’on trouvait autrefois dans les villes marchandes. Une belle manière de redonner vie aux vieilles pierres et de faire revivre le cœur de la cité.

Pokopen Yokocho, le marché d’antiquité du dimanche

Presque chaque dimanche, le quartier ancien d’Ozu accueille un petit marché d’antiquités à Pokopen Yokocho, un espace rétro au cœur de la ville. Dans cette ruelle aménagée façon ère Showa (1926-1989), on chine des jouets rétro, des vinyles poussiéreux, de la vaisselle d’un autre temps, ou encore de vieilles réclames en métal. Le tout, dans une belle ambiance vintage. C’est un événement très modeste mais intéressant pour une petite balade sans prétention. C’est organisé le dimanche, aux dates suivantes :

  • De mars à novembre : chaque dimanche sauf le 2ᵉ dimanche du mois.
  • De décembre à février : uniquement le 3ᵉ dimanche du mois.

Juste à côté, le bâtiment Omoide Warehouse (entrepôt des souvenirs) prolonge cette plongée nostalgique. Cette sorte de musée du rétro n’est clairement pas incontournable, mais l’endroit a le mérite d’exister, surtout si on est sensible à ce genre d’ambiance. On y retrouve pêle-mêle vélos, meubles anciens, gadgets d’époque et autres trésors du quotidien japonais des années 1950 à 1980.

Enfin, à quelques pas, l’Ozu Akarenga-kan (bâtiment en briques rouges) est un espace culturel qui abrite une boutique d’artisanat local et un petit café en mezzanine donnant sur une cour intérieure en briques. Construit en 1901 comme siège de la banque commerciale d’Ozu, il mêle architecture occidentale et détails japonais traditionnels (comme ses tuiles ornées du caractère 商, « commerce »).

Le mont Tomisuyama

Du haut de ses 320 mètres d’altitude, le mont Tomisuyama domine paisiblement la plaine d’Ozu depuis le nord. Depuis son sommet, on profite d’un superbe panorama sur la ville et ses vallées et collines environnantes. Mais c’est surtout au cœur du printemps japonais que le mont Tomisuyama attire les regards : de fin avril à mi-mai, plus de 60 000 azalées recouvrent ses pentes de teintes vives, entre rose et fuchsia. Un décor spectaculaire qui en fait l’un des plus beaux endroits du Japon durant la saison des azalées.

Ozu no Ukai, la pêche aux cormorans

Chaque été, Ozu no Ukai, la pêche aux cormorans d’Ozu, transforme la rivière Hijikawa en scène vivante d’un Japon ancestral. Considérée comme l’un des trois grands ukai du Japon, cette tradition se déroule à la nuit tombée, à bord de bateaux éclairés par des torches (ukaibune). Le public prend place sur une embarcation parallèle à celle du pêcheur. En silence, on suit les gestes précis des ukaisho, les maîtres-cormorans vêtus de leurs costumes rituels. Attachés par une fine corde, cinq cormorans plongent tour à tour et ressortent avec des truites ayu frétillant dans le bec. En arrière-plan, le château d’Ozu et la villa Garyu Sanso se découpent dans la nuit, parachevant un tableau nocturne unique.

Les spécialités à goûter à Ozu

La ville d’Ozu réserve aussi de belles surprises côté assiette. On y retrouve des plats simples mais bien ancrés dans le quotidien local, et d’autres créations plus récentes qui réinterprètent les produits du terroir avec originalité. Voici quelques exemples de plats à goûter à Ozu :

  • Tonkuri mabushi : bol de riz recouvert de porc mijoté et de châtaignes d’Ozu, le tout nappé d’un bouillon miso légèrement épicé. Le nom vient de « ton » (porc) et « kuri » (châtaigne). Cette création culinaire récente valorise l’une des fiertés agricoles de la ville : Ozu est le premier producteur de châtaignes de la région. Je vous conseille une escale au restaurant Ozurobata Aburaya pour goûter cette spécialité.
  • Amago no satsuma : truite de rivière (amago) grillée, servie sur du riz chaud et nappée d’un bouillon miso parfumé au malt d’orge. Ce plat traditionnel d’Ozu est souvent proposé en fin de repas comme un shime léger et savoureux. On peut parfois en déguster au restaurant Shun, installé dans un ancien manoir avec jardin, une adresse réputée pour sa cuisine délicate avec des plats qui changent chaque jour.
  • Ozu korokke : version locale de la croquette japonaise korokke, à base de pomme de terre, parfois agrémentée de viande ou de poisson. On en trouve dans plusieurs petits izakaya du centre ancien, idéale à grignoter avec un verre. On peut notamment en déguster au restaurant Wake Aburaya, une adresse conviviale située dans le quartier du château, avec un cadre lumineux inspiré par le ciel bleu et les couchers de soleil d’Ozu.
  • Hamo : murène japonaise, pêchée dans les eaux côtières proches. On la retrouve parfois revisitée dans des recettes modernes : gyoza au hamo, burger frit hamokatsu, ou encore plats cuisinés dans des cafés créatifs. On peut par exemple goûter au fameux hamokatsu burger de congre d’Ehime au café Aoi, installé dans une ancienne maison de ville rénovée.
  • Sandwichs aux fruits : un classique sucré revisité localement : pain de mie moelleux, crème fouettée et fruits frais de saison. Ces sandwichs aux fruits ne sont pas forcément une spécialité locale, mais la boutique Umi to Kamome en vend d’excellente qualité.
  • Bière : installée dans un ancien entrepôt en briques rouges, la brasserie Garyu Brewing fabrique plusieurs bières locales à base d’ingrédients régionaux, comme les kiwis ou les châtaignes. À goûter notamment : la Silk Ale, clin d’œil au passé textile de la ville.

Les festivals et événements à Ozu

La visite d’Ozu s’apprécie évidemment tout au long de l’année, mais comme partout ailleurs, la ville s’anime à diverses occasions pour célébrer des fêtes et festivals locaux. Si vous avez prévu un voyage autour d’une période de matsuri, il peut être judicieux de faire en sorte de venir découvrir la ville durant les festivités. Pour vous aider, voici donc une liste de 10 festivals et événements à voir à Ozu.

  • 9-11 janvier : Ozu-jinja Toka Ebisu
    Organisé à l’occasion de la fête Toka Ebisu chaque début d’année au sanctuaire Ozu-jinja, c’est le seul festival de ce type dans la préfecture d’Ehime. On y vient pour acheter des porte-bonheurs typiques (kumade, masu, daruma, branches de bambou décorées) et espérer une bonne année commerciale. Le moment phare du festival est le lancer de grandes daurades d’un mètre de long (madai-maki) dans la foule, ainsi que plusieurs distributions de mochi.
  • 1er dimanche d’avril : Okiura Kannon Shunki Taisai
    Un festival printanier qui se tient chaque premier dimanche d’avril au temple Okiura Kannon. Une cérémonie bouddhique dédiée à la statue de Kannon aux onze visages est organisée dans le bâtiment principal. Les fidèles prient principalement pour la sécurité de la famille, la prospérité des affaires et la sécurité en mer, en déambulant autour du sanctuaire tout en récitant des sutra. Un marché local et quelques animations culturelles accompagnent l’événement.
  • De début à mi-juin : à Yanagisawa Hotaru Matsuri
    Durant la saison des lucioles, on peut admirer les lucioles le long de la rivière Yaochi, classée monument naturel, lors de balades nocturnes guidées par des bénévoles locaux. Diverses animations sont proposées, comme des marchés de produits locaux et des spectacles de danse kagura au sanctuaire Kumano-jinja. Cette période coïncide avec la floraison des iris se trouvant un peu plus au sud du sanctuaire. C’est un événement très local et spécifique, ne vous attendez donc pas à des scènes de liesse !
  • Du 1er juin au 20 septembre : Ozu no Ukai
    C’est l’une des trois grandes pêches aux cormorans du Japon, pratiquée chaque été sur la rivière Hijikawa. Cette tradition ancienne consiste à guider des cormorans dressés pour attraper des ayu (truites d’eau douce), dans une mise en scène nocturne. À Ozu, la pêche se fait selon une méthode locale appelée awase ukai : le bateau du maître-cormoran navigue lentement aux côtés de celui des spectateurs, permettant d’observer de très près les mouvements des oiseaux. Le tout se déroule à la lueur des torches, avec le château d’Ozu et la villa Garyu Sanso en toile de fond. On peut aussi déguster un repas à bord. La réservation se fait directement sur le site web de l’événement.
  • Fin juillet : Michi no Eki Yoru Ichi
    Un marché nocturne organisé chaque été sur l’aire de repos Michi no Eki Seiryu no Sato Hijikawa, au cœur de la nature qui borde la rivière Hijikawa. L’événement rassemble des stands de cuisine locale, des food trucks, des produits artisanaux, et des animations familiales (jeux, concerts, tombola), le tout dans une ambiance conviviale.
  • De fin juillet à mi-août : Ozu no Hanabi Taikai
    Un festival de feux d’artifice illuminant le ciel estival avec environ 3 000 fusées tirées au-dessus de la rivière Hijikawa, le château d’Ozu en toile de fond. C’est l’un des événements les plus attendus de la saison estivale dans la région.
  • 11 août : Kanogawa Natsu Matsuri
    Ce festival trouve son origine en 1951, lorsqu’un sanctuaire dédié à Benzaiten fut établi au bord de la rivière Kawabe, après un transfert depuis l’île de Miyajima. Cette fête estivale propose un grand feu d’artifice, des stands de nourriture et des animations typiques de l’été, comme de la danse Bon Odori. C’est un événement local important, ancré dans les traditions du quartier.
  • 14 août : Kawabe Furusato Matsuri
    Chaque année pour O-Bon, la fête des ancêtres, le quartier de Kawabe à Ozu propose une soirée festive rythmée par un concours de karaoke, des spectacles musicaux, de la danse Bon Odori, un marché de nuit et un feu d’artifice. L’ambiance est conviviale et familiale, avec une forte implication des habitants pour faire vivre l’esprit de leur quartier le temps d’une nuit d’été.
  • Mi-octobre : Ehime Yosakoi Matsuri
    Depuis 2004, chaque automne à Ozu invite à danser avec ce festival rassemblant des équipes venues de la région pour présenter des danses Yosakoi, un style né à Kochi mêlant mouvements traditionnels et musique moderne. Dans les rues du centre-ville, les danseurs avancent en rythme avec les naruko (castagnettes en bois) au son des tambours et des mélodies diffusées par les chars. L’ambiance est animée et conviviale, et les spectateurs peuvent facilement suivre les performances tout au long du parcours.
  • 2-3 novembre : Ozu Matsuri
    Chaque année pour Bunka no Hi, le jour de la culture, ce festival combine traditions historiques et festivités populaires dans plusieurs quartiers. Le moment le plus marquant est l’ O-nari , une procession rituelle vieille de 300 ans, au cours de laquelle le mikoshi du sanctuaire Hachiman-jinja est escorté sur près de 12 km à travers la ville. Le lendemain, on peut déguster des spécialités locales et assister à des spectacles de danses et musiques traditionnelles. Près de 100 stands mêlant artisanat, gastronomie et musique y recréent l’atmosphère d’Ozu d’il y a un siècle.

J’espère que cette balade à Ozu vous a plu. Cette ville à taille humaine, isolée dans un coin de la préfecture d’Ehime, vit au rythme des saisons, entre fêtes locales et plaisirs gourmands. Pour d’autres trésors à découvrir dans la région, n’hésitez pas à lire mes autres articles sur le village historique d’Uchiko ou sur le quartier historique d’Unomachi !

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  1. Ragnarkings
    19 juin 2025

    Super article guigui !