
Seki-juku, le village historique du Tokaido
Avant l’arrivée des trains à vapeur et des routes modernes, le Japon était parcouru à pied ou à cheval le long de grandes voies traversant l’archipel. L’une des plus célèbres d’entre elles, le Tokaido, reliait Edo (Tokyo) à Kyoto sur près de 500 kilomètres, jalonné de 53 stations-relais (shukuba) où les voyageurs faisaient étape. Si la Nakasendo, l’autre grande route qui reliait Edo à Kyoto en passant par les montagnes, a su conserver des villages historiques pittoresques à l’instar de Magome-juku, Tsumago-juku ou Narai-juku, les vestiges du Tokaido sont aujourd’hui bien plus rares. C’est pourquoi Seki-juku, 47e station du Tokaido, fait figure d’exception. Dans la préfecture de Mie, ce bourg historique conserve encore environ 200 bâtiments d’époque, alignés sur 1,8 km de route principale. Classé quartier de préservation important, il offre une ambiance rare et authentique, loin de l’agitation touristique. Je vous propose aujourd’hui de découvrir le village de Seki-juku, un endroit discret mais précieux, qui mérite amplement le détour !
Sur la route du Tokaido
Le Tokaido fut tracé au début de l’époque d’Edo par le shogunat Tokugawa pour relier Edo à Kyoto. Cette grande route côtière, la plus importante du Japon féodal, servait notamment aux déplacements officiels des seigneurs : le système du sankin-kotai obligeait alors les daimyo des différentes provinces à venir séjourner à la capitale environ une année sur deux, nécessitant donc de longs et fréquents déplacements. La route du Tokaido était également empruntée dans le cadre des pèlerinages vers le grand sanctuaire Ise-jingu, très populaires à l’époque. Chaque station-relais (shukuba) accueillait les voyageurs avec ses auberges (hatago), abritait des logements officiels (honjin), divers commerces pour se ravitailler et des maisons de thé pour se divertir.
Seki-juku était la 47e étape de ce parcours. Située dans l’ancienne province d’Ise, elle accueillait autrefois dignitaires, marchands, pèlerins et artistes. Le Tokaido est resté célèbre grâce aux estampes de Hiroshige, qui ont immortalisé l’ambiance des relais de la route, et se retrouve désormais le nom de différentes lignes de train (notamment le Tokaido Shinkansen) parcourant le trajet de Tokyo à Kyoto le long de la côte. Sans entrer ici dans tous les détails de ce réseau historique, retenons que le Tokaido fut l’épine dorsale du Japon d’Edo… et que Seki-juku en est aujourd’hui l’un des rares témoins encore debout !
Seki-juku, un village historique préservé



Situé à un ancien carrefour stratégique, Seki-juku a longtemps été un point de passage incontournable pour les voyageurs et les pèlerins en route vers Ise. Le village a connu son essor dès 1601, quand le shogunat Tokugawa en fit l’une des étapes officielles du Tokaido. Plusieurs voies secondaires y convergeaient également, ce qui lui valut une activité florissante durant l’époque d’Edo. Aujourd’hui encore, environ 200 maisons en bois s’alignent de part et d’autre d’une rue principale longue d’1,8 km. Ces façades d’époque, avec leurs toits de tuiles et leurs détails architecturaux soignés, ont valu à Seki-juku d’être classé quartier de préservation important dès 1984. On y trouve d’anciens entrepôts, échoppes et auberges, certaines transformées en musée ou en commerce, où logeaient autrefois les voyageurs de passage. Discret, bien conservé, et pourtant peu connu, Seki-juku offre une plongée rare dans l’ambiance d’une ancienne ville-relais.
Que faire à Seki-juku


Seki-juku est une véritable pépite secrète qui plonge dans un décor vivant du Japon d’Edo et réserve ainsi une magnifique balade le long de sa grande rue historique. Il n’y a pas énormément d’attractions ou de choses à y faire, mais c’est tout à fait compréhensible et ce n’est d’ailleurs pas ce que l’on recherche ici. Néanmoins, le village possède évidemment quelques points d’intérêts et établissements à découvrir au fil de la promenade.
- Le musée Hatago Tamaya, installé dans une ancienne auberge qui accueillait autrefois les voyageurs du Tokaido. Il propose une reconstitution immersive de la vie dans la station durant l’époque d’Edo.
- Le musée Seki Machinami Shiryokan, situé dans une maison de marchand en bois. Il présente l’histoire locale du village et offre l’occasion de se faufiler dans les intérieurs étroits, aux escaliers raides et plafonds bas, typiques des machiya.
- Koman no Yu, un ashiyu (onsen pour les pieds) gratuit qui invite à prendre un petit moment de relaxation juste à côté de l’office de tourisme du quartier.
- Chokantei, un point de vue qui offre une vue en hauteur sur les maisons historiques du village. Un lieu photogénique.
- La boutique de thé Kaneki Isecha, véritable institution datant de 1865, qui propose du thé vert de la région d’Ise, assez réputé à travers le pays. On peut participer à des ateliers et dégustations en faisant une demande de réservation via la page Instagram de la boutique.
- Ishigakiya Guest House, une auberge tenue par un Japonais très sympathique qui réserve un cadre magnifique à prix imbattable : à partir de 3,000 yens la nuit par personne ! Même sans y loger, on peut venir découvrir les lieux à sirotant une petite boisson la journée.
- Le temple Seki Jizo-in, le lieu de culte principal de Seki-juku, fondé au VIIIe siècle. Il abrite une grande statue Jizo, l’une des plus anciennes du pays, qui semble veiller sur le village depuis des siècles.
- Le sanctuaire Seki-jinja, assez petit et situé au milieu des arbres, offrant une atmosphère simple mais appréciable.
Les spécialités à goûter à Seki-juku


En plus des quelques visites à faire, il y a également une bonne dizaine de restaurants et cafés à arpenter le long de la rue historique de Seki-juku. La région de Kameyama, à laquelle appartient le village, propose quelques douceurs et plats simples mais bien ancrés dans les habitudes locales.
- Curry : le curry japonais qui n’est pas forcément une spécialité de Seki-juku, mais on en déguste un bon au café En, un établissement à l’atmosphère élégante.
- Sekino-to : l’une des confiseries les plus anciennes de la région. Élaborée à base de farine grillée et de sucre, elle présente une texture légèrement poudreuse et un goût discret mais raffiné. On l’offre souvent en omiyage, dans de jolies boîtes en papier. On en trouve à la boutique Fukagawaya.
- Shiratama : gâteau moelleux confectionné à partir de riz gluant et porte un nom qui évoque la blancheur d’une perle. Il est parfois fourré d’anko et fait partie des douceurs les plus emblématiques de Kameyama. On peut en acheter à la boutique Maedaya.
- Thé : la région d’Ise est réputée pour son thé vert, mais on peut également déguster du bon thé noir dans plusieurs salons de thé charmants du village, comme par exemple le café Keep, installé dans une ancienne maison traditionnelle.
Les festivals et événements à Seki-juku


Le village de Seki-juku s’anime chaque année au rythme de plusieurs événements profondément enracinés dans la vie locale. Ces fêtes rendent hommage à son passé féodal, célèbrent les traditions artisanales et offrent de beaux moments de convivialité. En voici quelques-uns à ne pas manquer :
- Fin juillet : Seki-juku Gion Natsu Matsuri
Ce festival d’été se déroule sur deux jours autour du sanctuaire Seki-jinja. Au programme : procession de mikoshi, chars à étages tirés dans les rues par les habitants, musiques traditionnelles jouées par des enfants et rotations spectaculaires des chars en soirée. Toute la communauté se mobilise, créant une ambiance festive et chaleureuse dans les ruelles du village. - Mi-août : Seki-juku Noryo Hanabi Taikai
Sur les berges de la rivière Suzuka, ce grand feu d’artifice illumine le ciel d’été. Des milliers de visiteurs se rassemblent pour admirer le spectacle, souvent précédé de stands de nourriture et d’animations locales. - De mi-février à début mars : Tokaido no Ohinasama
Pendant plusieurs semaines à la fin de l’hiver et au début du printemps, Seki-juku prend part à une exposition commune avec la ville de Kameyama autour des poupées traditionnelles du Hina Matsuri, la fête des filles. Les vitrines de la rue principale se parent de ces Hina ningyo de toutes époques, offrant une balade douce et nostalgique à travers un patrimoine vivant. - Autour du 3 novembre : Tokaido Seki-juku Kaido Matsuri
C’est l’événement phare de l’automne. À l’occasion de Bunka no Hi, le jour de la culture (3 novembre), un grand défilé historique traverse Seki-juku. On y voit passer samurai, porteurs, dames de cour, et même Tokugawa Ieyasu en personne. Ce cortège en costumes, accompagné de spectacles de shamisen, fait revivre l’époque d’Edo sur la route du Tokaido, dans un décor resté presque intact.
J’espère que cet article vous aura donné envie de faire une halte à Seki-juku, ce charmant village historique du Tokaido où le temps semble suspendu. Avec son boulevard bordé de maisons d’époque, ses musées, ses commerces et ses spécialités locales, il offre une immersion rare dans le Japon de l’époque d’Edo. Pour encore plus de jolies découvertes autour de cette période fascinante, n’hésitez pas à lire mon article sur le Japon de Samurai Champloo, ou celui sur Uchiko, le superbe village historique d’Ehime.