Kakunodate, la cité des maisons de Samurai
Appartenant à la ville de Semboku, au nord de la préfecture d’Akita, le quartier historique de Kakunodate est une visite incontournable de la région qui conserve le tracé d’une ancienne ville féodale et plonge les voyageurs dans un Japon de l’époque d’Edo. Fondés en 1620, les lieux ont gardé leur structure d’origine : un quartier de samurai au Nord et un quartier de marchands au Sud. Ce découpage, encore lisible aujourd’hui, donne tout son caractère à la ville qui réserve une ambiance élégante et sans ostentation, idéale pour ceux qui aiment les lieux historiques sans artifice.
Accessible en environ 3 heures depuis Tokyo en direct via le Shinkansen, Kakunodate mérite une halte, que ce soit pour sa quiétude, ses paysages saisonniers, ou l’intimité de ses ruelles préservées. Je vous propose aujourd’hui d’y faire un détour et de découvrir un autre visage du Japon de l’époque d’Edo.
Bukeyashiki-dori, la rue des résidences de samurai


Longue artère ombragée par d’imposants cerisiers pleureurs, la rue Bukeyashiki-dori est le cœur historique de Kakunodate. C’est ici que vivaient autrefois les familles de samurai au service du clan Satake, dans des demeures aux façades sombres et austères, pensées autant pour la défense que pour la distinction. S’étendant sur environ 2 kilomètres, la rue conserve une dizaine de résidences traditionnelles, certaines ouvertes à la visite, d’autres visibles uniquement de l’extérieur. Les murs de bois noir, les toits épais, les haies taillées avec soin et les grands portails renforcés dessinent un paysage figé dans le temps. En flânant sous les branches fleuries au printemps, ou dans la lumière dorée de l’automne, on sent encore la présence discrète de ceux qui habitaient ces lieux : guerriers, lettrés, familles entières repliées derrière les grilles. Chaque maison raconte à sa manière le quotidien d’une caste disparue et un art de vivre tourné vers la nature et les saisons. Kakunodate n’est pas un décor reconstitué : c’est un quartier vivant, où certaines demeures sont encore habitées, et où l’histoire semble circuler entre les troncs anciens et les pavés discrets.
Au cœur de la rue Bukeyashiki-dori, le musée Kabazaiku Denshokan est consacré à une forme rare d’artisanat appelée kabazaiku, le travail de l’écorce de cerisier de montagne. Hérité des samurai de rang inférieur, ce savoir-faire unique consiste à recouvrir des objets en bois d’une fine écorce polie pour leur donner un aspect chaud et lustré. Boîtes à thé, accessoires d’écriture ou petits meubles : les pièces exposées sont d’une grande finesse. Le musée propose aussi des démonstrations en direct et une boutique pour repartir avec un joli souvenir typique de la région.
Tout au bout de la rue, se dresse le sanctuaire Kakunodate Shinmeisha, petit espace shintoïste à l’écart du tumulte, mais ancré dans la vie locale. C’est là qu’a lieu chaque 7 septembre le Kakunodate Shinmei Matsuri, le festival le plus important de Kakunodate. Durant cette journée, 18 chars richement décorés (yama) sont tirés dans les rues par les habitants jusqu’au sanctuaire, où ils rendent hommage aux divinités.
La résidence Aoyagi-ke



C’est le passage absolument incontournable à Kakunodate ! La résidence Aoyagi-ke, vaste domaine d’un ancien clan de samurai, offre une visite permettant de découvrir plein d’aspects de la vie quotidienne de la famille. C’est un lieu vivant : on circule de bâtiment en bâtiment (maison principale, entrepôts, anciennes écuries, petit jardin) avec des mises en scène et objets d’époque qui rendent la visite parlante. On y admire des armures, sabres et objets transmis dans la famille, mais aussi des surprises comme des phonographes ou des meubles au style d’inspiration occidentale, preuve que le clan s’est adapté à son époque. Il y a même un espace dédié au Kaitai Shinsho, un ancien traité d’anatomie traduit du néerlandais au XVIIIe siècle.
Dans l’enceinte du domaine, on trouve même un restaurant, une maison de thé et plusieurs cafés, dont le café Haikara-kan qui plonge dans une ambiance des années 1920. Vitraux colorés et déco rétro, c’est un lieu original pour boire un verre ou manger un morceau dans un décor à l’ancienne. Juste à côté, la boutique vend des souvenirs, entre artisanat et produits locaux. Cette résidence réserve ainsi une visite complète, intéressante et agréable, parfaite pour se plonger dans l’ambiance propre à Kakunodate.
La résidence Ishiguro-ke



Parmi la dizaine de demeures historiques de Kakunodate, celle de la famille Ishiguro possède une aura particulière. La résidence Ishiguro-ke est la plus ancienne du quartier samurai, construite en 1809. Elle a la particularité d’être encore occupée par la même lignée depuis 12 générations. À l’époque d’Edo, les Ishiguro occupaient un poste important : ils étaient chargés des finances du domaine, juste après les chefs militaires. Aujourd’hui, une partie de la maison (la pièce principale et un entrepôt) est ouverte aux visiteurs. On peut y admirer les boiseries anciennes, les tatami parfaitement entretenus, et cette atmosphère feutrée propre aux maisons samurai. Mais ce qui rend la visite vraiment spéciale, c’est qu’elle est généralement guidée par un membre de la famille, ce qui donne une touche très humaine à la découverte. L’actuel chef de famille est très sympathique et parle bien anglais.
Juste à côté, la maison Kyu Ishiguro-ke, construite en 1935 dans un style mêlant Japon et Occident, peut se visiter librement. L’ambiance y est plus lumineuse, avec de grandes fenêtres et des meubles typiques de l’ère Taisho (1912-1926). Une halte complémentaire et gratuite, qui permet de saisir l’évolution des maisons de samurai vers un confort plus moderne et élégant.
L’entrepôt Ando Jozo Miso



Au sud du quartier historique de Kakunodate se cache l’entrepôt Ando Jozo Miso, un lieu réputé pour sa fabrication de miso et de sauce soja depuis 1853. Cela fait en effet plus de 170 ans que la famille Ando prépare ici ses condiments à l’ancienne, selon un savoir-faire transmis de génération en génération. Le bâtiment principal en briques rouges, classé bien culturel, est une merveille en soi : c’est le plus ancien de ce type dans la région du Tohoku. À l’intérieur, on peut découvrir les grandes cuves en bois, les odeurs puissantes de fermentation, et même suivre un atelier de dégustation pour comparer les différents miso maison ou tester une sauce soja vieilli en fût. Tout est excellent, avec un vrai sens du détail dans l’élaboration des arômes.
Si l’achat d’un produit au miso ou de sauce soja est presque incontournable, l’entrepôt mérite la visite rien que pour la beauté des lieux : on peut visiter librement une superbe galerie et admirer l’intérieur de la boutique, où vivent également les membres de la famille Ando. Car ce n’est en effet pas qu’une boutique : on y organise des mariages, des événements culturels, des expositions de poupées pour le Hina Matsuri, et même, plus rarement, des spectacles traditionnels, comme des danses effectuées par les geisha d’Akita. Le lieu marie ainsi patrimoine culinaire et ambiance locale dans un décor superbement préservé.
Le café Donopan


Un peu à l’écart du centre historique, à une vingtaine de minutes de marche à travers les champs, se trouve un petit lieu au charme inattendu : le café Donopan. Absolument rien à voir avec l’atmosphère des résidences de samurai, et pourtant, c’est l’un de mes gros coups de cœur à Kakunodate ! Installé dans une maisonnette simple et fleurie, ce café tenu par Suzuki-san offre un vrai moment de calme et de réconfort au beau milieu des superbes rizières japonaises.
Ici, pas de viande au menu, mais une cuisine savoureuse avec des produits frais du coin. Le menu est unique, mais change à chaque saison, selon l’inspiration de la cheffe. Le pain est pétri et cuit sur place, et tout est fait maison et préparé avec patience, amour, et attention. Le cadre est chaleureux, les prix très abordables, et l’assiette… un régal ! Donopan, c’est typiquement le genre d’endroit qu’on aimerait garder pour soi… mais qu’on finit toujours par recommander avec enthousiasme !
Les spécialités à goûter à Kakunodate


Si les maisons de samurai du quartier historique racontent le passé, c’est bien à table que l’on goûte et savoure le présent. Kakunodate offre une belle palette de saveurs locales, simples mais marquées, à découvrir dans les différentes adresses chaleureuses de la ville.
- Oyakodon : poulet et œufs fondants sur du riz chaud. Plat populaire dans tout le Japon, l’oyakodon signifie littéralement « bol parent-enfant ». Au restaurant Sakura no Sato, ce classique devient un plat d’exception : le poulet utilisé est du Hinai-jidori, une race locale réputée pour sa chair goûteuse, grillé au charbon avant d’être nappé d’œuf moelleux. Résultat : une texture fondante, une légère touche fumée et un savoureux moment de réconfort.
- Inaniwa udon : nouilles udon fines, lisses et élastiques, pétries et étirées à la main selon une méthode ancestrale. Fierté de la préfecture d’Akita, les inaniwa udon sont servies aussi bien chaudes en bouillon en hiver que froides à tremper dans une sauce en été. C’est l’une des trois grandes variétés d’udon du pays, à tester au moins une fois ! Au restaurant Hirauchi Udon Marukawa, on les déguste à la bonne franquette, avec un bon dashi très doux.
- Kiritanpo : riz pilé roulé autour d’un bâton en bois puis grillé au feu de bois, souvent servi dans un bouillon avec légumes et poulet Hinai. Grande spécialité d’Akita, c’est un plat typique des soirées d’automne et d’hiver, rassasiant et convivial. Le restaurant Inaho en propose une version savoureuse dans un cadre traditionnel, idéal pour une pause chaleureuse après la balade.
- Sauce soja : difficile de repartir sans un souvenir de chez Ando Jozo Miso, l’entrepôt historique qui fabrique depuis 1853 du miso et de la sauce soja à Kakunodate. Les produits, encore faits à la main, ont un goût riche et profond, bien différent des sauces industrielles. On peut les goûter sur place, les acheter pour les ramener chez soi, ou encore discuter avec les vendeurs pour savoir comment bien les utiliser en cuisine.
Les festivals et événements à Kakunodate
Tout au long de l’année, Kakunodate vibre au rythme des saisons du Japon à travers une série de festivals et d’événements qui mettent en valeur son patrimoine et ses traditions. Voici une sélection de rendez-vous à ne pas manquer si vous avez la possibilité de vous rendre dans ce charmant quartier de samurai durant des festivités.
- De fin janvier à mi-février : Yukizakura Kakunodate
Quand les cerisiers dénudés se couvrent de neige, Kakunodate offre un paysage féérique. Cette fête hivernale rend hommage aux fameux sakura du quartier, visibles ici sous un autre jour, ou plutôt sous une autre lumière. La beauté du Japon sous la neige offre une ambiance silencieuse et magique. - 14 février : Kakunodate Hifuri Kamakura
À la nuit tombée, de petits igloos appelés kamakura s’illuminent de bougies, créant une atmosphère intime et mystérieuse. Le rituel du hifuri (faire tournoyer des fagots de paille enflammés) vient rendre hommage à Himuro, divinité de la glace, et invite à une purification par le feu et la neige. - Du 15 février au 3 mars : Kakunodate Hina Matsuri
Pour célébrer le Hina Matsuri, la fête des petites filles, les anciennes demeures du quartier exposent d’élégantes poupées traditionnelles, souvent transmises de génération en génération. Une belle occasion de découvrir l’intérieur des maisons préservées. - De fin avril à début mai : Kakunodate Sakura Matsuri
C’est le moment phare de l’année à Kakunodate. Les cerisiers en fleur bordent les rivières et enveloppent le quartier d’un nuage rose et blanc. On se promène sous les branches fleuries, on pique-nique en famille ou entre amis, et le soir venu, les lanternes illuminent doucement les allées de cerisiers pleureurs. - 15 août : Kakunodate no Okuri Bon
À l’occasion d’O-Bon, la fête des ancêtres, les habitants rendent hommage aux esprits familiaux en les accompagnant symboliquement lors de leur retour dans l’au-delà. Lanternes, danses et offrandes ponctuent cette soirée empreinte de respect et de recueillement, dans une atmosphère à la fois chaleureuse et solennelle. - 7-9 septembre : Kakunodate Matsuri
Fait assez rare, ce festival est organisé conjointement par un temple et un sanctuaire, mêlant bouddhisme et shintoïsme. 18 grands chars paradent dans les rues du quartier historique de Kakunodate avant de se livrer une bataille exaltante qui constitue le clou du spectacle. Le grand événement à vivre dans la région. - De mi-octobre à mi-novembre : Bukeyashiki-dori Koyo Light Up
Pour célébrer la beauté des couleurs d’automne au nord du Japon, la rue des résidences de samurai s’embrase de couleurs flamboyantes. Des illuminations nocturnes mettent en valeur l’architecture et les feuillages, transformant la promenade en voyage poétique au cœur de l’automne japonais.
Les endroits à voir autour de Kakunodate


Facile d’accès en Shinkansen direct depuis Tokyo, Kakunodate présente également l’avantage d’être situé dans une zone regorgeant de superbes lieux à découvrir, invitant aussi bien à faire de la randonnée qu’à se plonger dans des sources chaudes secrètes. Voici quelques idées de visites à faire juste autour de Kakunodate.
- Le lac Tazawa, situé à une dizaine de kilomètres, est le plus profond du Japon avec ses 423 mètres. On peut en faire le tour en voiture ou à vélo, admirer son bleu envoûtant, et faire quelques arrêts autour du lac pour voir le torii rouge immergé du sanctuaire Gozanoishi-jinja, ou encore l’ancienne école Omoide no Katabunko. Le lac Tazawa est accessible à seulement 19 minutes de train de Kakunodate.
- La vallée de Dakigaeri, juste à la sortie de Kakunodate, offre une balade d’environ 1,5 kilomètre le long de la rivière Tamagawa. Le sentier traverse des tunnels et des ponts suspendus, jusqu’à l’impressionnante cascade Mikaeri-no-Taki. L’eau y est d’un bleu turquoise particulièrement beau. Les lieux se trouvent à 15 minutes de voiture de Kakunodate.
- Les sources chaudes de Nyuto Onsen constituent un lieu secret et reculé qui regroupe 7 auberges traditionnelles connues pour leurs bains extérieurs mixtes en pleine nature. Le ryokan Tsurunoyu, l’un des plus anciens, conserve une atmosphère rustique avec ses bâtiments en bois et ses bassins laiteux à ciel ouvert. On y trouve parmi les plus beaux onsen du Japon. Nyuto Onsen est situé à 50 minutes de route de Kakunodate.
J’espère que cet article vous a plu et vous a donné envie de fouler les ruelles historiques de Kakunodate. La région du Tohoku est souvent délaissée, mais elle offre pourtant de nombreux trésors à découvr. Pour d’autres idées de voyages qui vous feront remonter le temps, n’hésitez pas à lire mes article sur Seki-juku, le village historique du Tokaido ou sur Uwajima, la ville-château au sud d’Ehime.









