UNE JOURNÉE DANS UNE MAISON DE GEISHA À KYOTO
Contenu exceptionnel aujourd’hui : je vous emmène découvrir en immersion la journée-type d’une Maiko, une apprentie Geisha à Kyoto ! Pour accompagner la vidéo, je vous propose dans cet article un topo sur l’histoire et la vie des Geisha.
L’HISTOIRE DES GEISHA
La Geisha fait l’objet de nombreux mystères et fabulations, notamment en Occident et ce qui est dommage, c’est que pour expliquer ce qu’est une Geisha, on est constamment obligé de commencer par expliquer ce qu’elle n’est pas, c’est-à-dire une prostituée de luxe.
Différentes femmes artistes ont exercé au fil des siècles mais le terme Geisha apparaît pour la première fois au XVIIe siècle, durant l’époque Edo. C’est une période de paix qui fait suite à des siècles de guerre civile : le Japon, désormais unifié, peut enfin profiter d’une paix durable qui permet le développement d’un gros business de divertissements réglementé dans tout le pays avec la création de Yuukaku, des quartiers de plaisirs où la prostitution était légale et réglementée.
On y trouve différents types de prostituées et services (histoire de satisfaire toutes les bourses), allant des courtisanes ordinaires (Yuujo) dont le but est juste l’acte sexuel aux Oiran, des prostituées de luxe très raffinées qui maîtrisaient également les arts, pouvaient refuser des clients et n’offraient pas de service sexuel avant au moins 3 rendez-vous.
Comme vous pouvez le voir, l’apparence des Oiran rappelle celle des Geisha avec le visage recouvert de poudre blanche et le Kimono mais on peut facilement les différencier avec leur noeud noué devant pour les Oiran et derrière pour les Geisha. Les Oiran ont une coiffure et une apparence beaucoup plus sophistiqués que les Geisha qui sont plutôt dans la sobriété.
Les quartiers de plaisirs étant très prisés, les clients patientaient dans des Ochaya, des salons de thé où l’on buvait en assistant à des spectacles de Taikomochi, des hommes qui jouaient du tambour, racontaient des histoires et proposaient des jeux pour divertir les clients. On a alors commencé à appeler ces hommes des Geisha, littéralement des personnes de l’art.
La profession a ensuite accueilli des femmes qui ont été de plus en plus nombreuses jusqu’à ce qu’elle devienne exclusivement féminine.
Là où les Oiran proposent leurs services à des prix inabordables et sont très élitistes, les Geisha sont bien plus accessibles donc leur popularité augmente, les clients préférant se divertir l’esprit avec une Geisha avant d’aller voir une prostituée ordinaire plutôt que de payer très cher pour une Oiran.
Donc le métier de Geisha est né et s’est développé dans les quartiers de plaisirs mais sans toucher à la prostitution même si, bien sûr, certaines maisons peu prestigieuses s’y sont adonné en secret. D’ailleurs, pour éviter toute dérive, en 1779 une loi interdit la prostitution aux Geisha et elles se déplaceront ensuite dans des quartiers qui leur sont dédiés, sans prostituées : les Hanamachi.
Les Geisha ont ensuite connu leur apogée au début du XXe siècle avec plus de 80,000 Geisha en activité dans les années 1920. La Seconde Guerre mondiale marque cependant un sérieux coup au monde des Geisha, un divertissement luxueux qui est en décalage avec la misère d’après-guerre. De nombreuses prostituées profitent également de la présence Américaine pour proposer leurs services en se faisant appeler Geisha Girls pour jouer sur une image raffinée et ainsi se faire payer plus cher, ce qui a créé de grandes confusions en Occident.
Le nombre de Geisha a diminué d’années en années et aujourd’hui on n’en compte plus que 1000 dans tout le pays même si on peut noter un regain ces dernières années.
Cette diminution est bien sûr due au fait que la vie de Geisha s’accorde difficilement à notre monde moderne et ultra connecté mais surtout au fait qu’autrefois, on ne devenait pas Geisha par choix mais par obligation. Beaucoup d’enfants étaient vendus ou enlevés pour devenir des Geisha alors qu’aujourd’hui, c’est un véritable choix de vie.
Aujourd’hui encore, les Geisha et Maiko vivent dans des quartiers dédiés, les Hanamachi, les plus connus étant à Kyoto. Elles divertissent leurs clients dans des Ochaya, des salons de thé qui n’ouvrent leurs portes qu’aux habitués. Il faut obligatoirement être introduit par quelqu’un afin de pouvoir à son tour devenir un habitué.
LES ÉTAPES DE LA VIE D’UNE GEISHA
Tout d’abord, il faut rejoindre une maison qu’on appelle Okiya, tenue par une Okaasan, la mère qui dirige la maison. C’est elle qui prendra en charge la formation de la future Geisha ainsi que le logement et la nourriture. Ces frais seront ensuite remboursés au fur et à mesure par la future Geisha en travaillant.
On commence en tant que Shikomi, jeune fille en apprentissage qui s’occupe des tâches ménagères et suit une formation. Autrefois, on commençait à 5-6 ans mais maintenant c’est à partir de 15 ans, après le collège, pour une durée d’un an environ.
Après sa formation, la Shikomi devient une Minarai, une apprentie Geisha mais seulement en tant qu’observatrice pour une durée qui varie entre 2 semaines et 2 mois.
Ensuite, elle devient une Maiko, apprentie Geisha dont les spectacles de danse sont assez prisés. La durée varie mais c’est généralement jusqu’à 20 ans.
Enfin, la Maiko devient une Geiko, une artiste accomplie qui pourra ensuite quitter la maison pour se lancer à son compte une fois qu’elle aura assez de clients réguliers. Notez bien que le mot “Geiko” est celui que l’on utilise à Kyoto pour qualifier les Geisha.
Autrefois, la Geiko était parfois prise en charge par un Danna, un riche mécène qui couvrait tous ses frais et pouvait même acheter sa virginité, non pas pour en jouir (même si ça pouvait arriver) mais plutôt symboliquement, comme signe de richesse et réussite sociale. Cela lui permettait de se poser en bon protecteur des arts. Évidemment ça n’existe plus mais on peut toujours retrouver le principe de Danna avec des entreprises qui sponsorisent parfois des Geisha ou bien des hommes qui participent à plusieurs un peu comme une sorte de crowdfunding pour soutenir une Geisha.
UNE JOURNÉE DANS LA VIE D’UNE MAIKO
J’ai donc passé une journée à suivre Fukunori San, une Maiko de première année âgée de 17 ans et appartenant à l’Okiya de Shigemori, dans le Hanamachi de Miyagawacho à Kyoto.
Une journée passionnante où elle enchaîne les salutations, les entraînements, la préparation et le banquet du soir. C’est un monde mystérieux et très fermé qui a pu nous ouvrir ses portes le temps d’une journée et j’espère que cette vidéo permettra de tordre le cou à pas mal de clichés tenaces sur les Geisha et surtout faire prendre conscience que derrière la Maiko ou la Geiko que l’on croise dans la rue, il y a une jeune femme qui dédie sa vie à son art et son travail.
J’espère que vous songerez à tout ça la prochaine fois que vous croiserez une Geiko ou Maiko dans la rue et que vous ne ferez pas partie de ceux qui les pourchassent, les touchent ou les matraquent de clichés car c’est devenu un réel problème à Kyoto et les photos sont même désormais interdites dans certains quartiers.
Il reste à Fukunori San encore au moins 3 ans en tant que Maiko avant d’éventuellement devenir une Geiko et ainsi être plus libre. Elle pourra même quitter la maison une fois qu’elle aura remboursé tous les frais avancés par l’Okaasan et aura assez de clients fidèles pour être une Jimae, une Geiko à son compte. Elle pourra ensuite continuer sa carrière jusqu’à ce qu’elle décide de se retirer en fondant une famille ou bien en se reconvertissant en Okaasan d’une Okiya par exemple.
COMMENT PROFITER D’UN SPECTACLE DE MAIKO OU GEIKO
Pour profiter d’une soirée Maiko ou Geiko, il faut être un habitué d’une maison, ce n’est pas possible si on n’est pas introduit par quelqu’un. Mais il y a certains services qui permettent aux étrangers d’en profiter aussi : par exemple
- le Maiko Theater, tenu par la fille de l’Okaasan de la vidéo, qui propose des spectacles de Maiko pour tous les budgets.
- Geisha Japan, une association qui permet par exemple d’assister aux entraînements des Maiko ou bien de participer à un banquet.
Voilà, c’était une expérience exceptionnelle et j’en profite pour remercier l’hôtel Mimaru Kyoto d’avoir rendu ça possible ! :)
Cela ressemble à une vie belle mais extrêmement ardue. Merci pour l’article
Merci pour cet article ! J’avais eu la chance de rencontrer une apprentie Geisha qui était venue présenter son métier dans mon école de langue au Japon (à Kyôto).
Ce qui m’avait le plus impressionné était sa prestance et la délicatesse de ses gestes. Une rencontre incroyable !
Video incroyable sur l’univers inaccessible des Geisha et Maiko. Super bien réalisé toujours dans le respect et très loin des clichés. J’ai pu grâce à toi continuer à apprendre sur la fabuleuse culture Japonaise de la période d’Edo. J’ai effectué il y a quelques années un voyage au Japon en “solo sac à dos” sur les traces de la période d’Edo. Cela a été un grand moment d’émerveillement et de partage. Avec un seul petit bémol, c’est de ne pourvoir parler qu’avec les japonais anglophones. Je n’ai pas manqué une seule miette de toutes tes vidéos. Et à chaque fois je me régale de voyager avec un “ami” extrêmement passionné comme moi du Japon! Au plaisir de te croiser…
La lecture de cet article est un pur bonheur tout comme le visionnage de tes vidéos dont je ne me lasse pas. Bravo pour ce superbe travail! Il m’offre un agréable avant-goût du Japon que je découvrirai enfin l’an prochain. Merci pour tous tes précieux conseils!