Toka Ebisu, les festivals autour du 10 janvier au Japon
Alors qu’on se remet tout juste des festivités du Nouvel An japonais, la fête continue de plus belle dans l’ouest du Japon avec Toka Ebisu, les festivals dédiés à la divinité Ebisu, divinité des marchands et de la prospérité, qui se tiennent chaque année du 9 au 11 janvier, apportant une joyeuse effervescence au cœur du froid hivernal et inviter à commencer la nouvelle année sous le signe de la chance et de l’abondance. On vient y acquérir des objets porte-bonheurs et se réchauffer autour les stands de nourriture qui s’installent devant les sanctuaires célébrant cette fête. Aujourd’hui, je vous propose d’en découvrir plus sur les festivals Toka Ebisu, une tradition assez méconnue du mois de janvier au Japon.
TOKA EBISU, L’ANNIVERSAIRE DE LA DIVINITÉ DES MARCHANDS
Figure incontournable du panthéon shintoïste, Ebisu est l’une des 7 divinités du bonheur (Shichifukujin), et sa popularité dépasse largement son rôle mythologique. Divinité de la prospérité, Ebisu protège les marchands, les pêcheurs, et plus généralement tous ceux qui aspirent à une vie épanouie grâce à leur labeur. Ebisu serait lié à Hiruko, le premier enfant des divinités créatrices du Japon Izanagi et Izanami, né sans ossature et rejeté par ses parents. Malgré ce début difficile, il aurait été recueilli et vénéré comme une divinité, devenant ainsi un puissant symbole de résilience.
Ebisu est également profondément connecté à la mer. En tant que protecteur des pêcheurs, il incarne la fertilité des eaux et la promesse de pêches abondantes. Ses attributs emblématiques, la daurade et la canne à pêche, évoquent à la fois la richesse des ressources maritimes et la patience nécessaire pour les récolter. Dans les sanctuaires côtiers, des rituels en son honneur perpétuent cette tradition, bénissant les marins et célébrant l’harmonie entre l’homme et la nature. Au-delà de son rôle de protecteur, Ebisu est aussi une figure de joie et de convivialité. Son sourire bienveillant et son rire chaleureux, surnommé ebisu-gao, rappellent que la prospérité est indissociable du bonheur partagé. Cette aura joviale le rend particulièrement accessible et aimable de tous. Dans le monde contemporain, Ebisu est vénéré par de nombreux commerçants et entrepreneurs. Ses sanctuaires, qu’ils soient nichés dans des villages côtiers ou en plein cœur des grandes villes comme à Tokyo ou Kyoto, attirent des foules venues prier pour le succès de leurs affaires.
Ebisu occupe également une place importante dans l’art japonais. Des estampes ukiyo-e aux sculptures shintoïstes, il est représenté sous de nombreuses formes, toujours avec ce large sourire et cette image d’abondance. Ces œuvres reflètent non seulement sa popularité, mais aussi les multiples facettes de sa personnalité : résiliente, protectrice, généreuse, et profondément bienveillante.
Toka Ebisu est une fête célébrant l’anniversaire d’Ebisu le 10 janvier chaque année. Les festivals pour l’occasion se tiennent du 9 au 11 janvier, parfois du 8 au 12 janvier dans certains sanctuaires. Durant ces quelques jours de festivités, on se rend dans des lieux dédiés qui accueillent non seulement des stands de nourriture, mais également des vendeurs d’objets porte-bonheurs pour l’avenir à venir. Ces fêtes se tiennent essentiellement dans l’ouest du Japon, rappelant très fortement les foires Tori no Ichi, très semblables, qui se tiennent quant à elle au mois de novembre dans l’est du Japon, principalement autour de Tokyo.
KUMADE ET FUKUZASA, LES OBJETS DE LA BONNE FORTUNE
Le but premier de la visite d’un sanctuaire à l’occasion de Toka Ebisu, c’est d’effectuer une prière pour la prospérité et d’acheter des objets porte-bonheurs spécifiques. De la même manière que pour les foires Tori no Ichi, on retrouve des kumade, des râteaux en bambou conçus pour ratisser la bonne fortune. Ils sont ornés de symboles vibrants invitant à la prospérité, tels que des maneki neko, des barils de sake, des daurades, ou encore des talismans divins. Sa forme évoque les griffes étendues d’un ours, prêtes à attraper les opportunités et à les ramener vers son propriétaire. Une fois acheté, on dispose le kumade sur son lieu de travail : à la maison, au bureau, ou dans un restaurant ou une boutique. L’achat d’un kumade est annuel, et il convient donc de rapporter celui de l’année passée afin qu’il soit brûlé au sanctuaire. Idéalement, on achète chaque année un kumade un peu plus grand, reflétant un désir de croissance et de succès continu. Néanmoins, dans le cas où un malheur serait survenu durant l’année passée, on opte alors pour un modèle plus modeste.
Autre porte-bonheur, le fukuzasa est une variante régionale similaire qui est propre à Toka Ebisu : on ne le retrouve pas lors de Tori no Ichi en novembre. Il s’agit d’une branche de bambou ornée de divers talismans personnalisables. Souvent, on achète la branche vierge, et on choisit ensuite les différentes décorations que l’on souhaite ajouter. C’est beaucoup moins pratique à transporter et à exposer qu’un kumade, mais c’est beaucoup moins cher.
LES PARTICULARITÉ DES FÊTES TOKA EBISU
Les fêtes de Toka Ebisu se distinguent tout d’abord par le fait qu’elles soient exclusives à l’ouest du Japon. Cette localisation influe directement sur les traditions et les pratiques qui entourent l’événement, lui donnant une saveur locale particulière, différente de celle d’autres festivals comme Tori no Ichi. Par exemple, à Osaka, surnommée « la cuisine du Japon », Toka Ebisu est particulièrement lié au secteur de la restauration. C’est un moment clé pour les restaurateurs, les marchands et les artisans du domaine culinaire, qui viennent chercher la bénédiction d’Ebisu pour garantir une année prospère dans leurs affaires.
L’autre particularité des festivals Toka Ebisu, c’est qu’on y retrouve des fukumusume, des filles de chance qui sont sélectionnées chaque année pour servir les sanctuaires proposant des festivités pour l’occasion. Elles se chargent de la vente et de l’assemblage des fukuzasa, effectuent des danses shintoïstes et parfois des chants. Elles sont vêtues d’habits traditionnels ornés de porte-bonheurs, et leurs sourires transmettent un peu de chance et de courage aux visiteurs. C’est un rituel qui se tient depuis maintenant 60 ans.
Durant Toka Ebisu, l’atmosphère est peut-être plus spirituelle que pour Tori no Ichi. Tandis que Tori no Ichi est centré sur l’achat de kumade, Toka Ebisu met plutôt l’accent sur la prière personnelle. Les gens attendent souvent longtemps pour recevoir des bénédictions directement des prêtres ou obtenir des omikuji (prédictions divines). C’est un cadre peut-être un peu moins commercial que Tori no Ichi. Plus festif et proposant diverses animations (danses et spectacles), Toka Ebisu est à l’image du Kansai : une région qui sait faire la fête !
LES FESTIVALS POUR TOKA EBISU
Les festivals Toka Ebisu sont essentiellement célébrés dans l’ouest du Japon, notamment à Osaka, Kyoto et Fukuoka, dans des sanctuaires dédiés à Ebisu. Le lieu le plus célèbre du pays, probablement à l’origine de cette fête, est le sanctuaire Imamiya-jinja à Osaka. S’il s’agit évidemment d’un lieu incontournable, ce n’est pas forcément le plus appréciable pour de simples visiteurs en raison de l’afflux de Japonais venant effectuer leur prière. Je vous propose donc ici une sélection de 10 festivals Toka Ebisu pour profiter des festivités :
- 5 janvier : Minamiichi no Hatsu Ebisu à Nara (préfecture de Nara)
Au sanctuaire Minamiichi Ebisu-jinja, cet événement appelé Hatsu Ebisu a lieu un peu plus tôt, le 5 janvier chaque année. Des fukumusume accueillent les visiteurs et on vient y acheter des fukuzasa et leurs talismans additionnels. - 8-11 janvier : Toka Ebisu Matsuri à Fukuoka (préfecture de Fukuoka)
Avec environ 1 million de visiteurs, le sanctuaire Toka Ebisu-jinja accueille chaque année une belle ferveur dans la ville de Fukuoka. Le kachimairi, un pèlerinage de geisha locales visitant plusieurs sanctuaires accompagnées de musique traditionnelle, est l’un des temps forts de l’événement. Un autre rituel unique est l’Ebisu-sen, une somme d’argent symbolique prêtée par Ebisu-sama, qu’on rend l’année suivante avec gratitude pour attirer la prospérité. - 8-12 janvier : Ebisu-jinja Toka Ebisu à Kyoto
Lieu le plus important dédié à la divinité Ebisu dans la ville de Kyoto, le sanctuaire Ebisu-jinja attire des milliers de visiteurs lors du festival Toka Ebisu. C’est l’un des meilleurs lieux pour en profiter, avec ses dizaines de stands offrant des mets réchauffants. L’idéal est de s’y rendre en début de soirée pour savourer ces délices tout en profitant de la belle atmosphère de ce coin de Kyoto. - 9-11 janvier : Imamiya Ebisu-jinja Toka Ebisu à Osaka
Le Toka Ebisu du sanctuaire Imamiya Ebisu-jinja à Osaka est le principal et le plus célèbre du Japon. Chaque année, il attire plus d’un million de visiteurs priant pour la réussite dans les affaires. Le 10 janvier, on peut assister à un défilé de plus de 500 personnes, dont des célébrités, des geisha et les fukumusume, qui distribuent des amulettes porte-bonheur aux participants. Attention, c’est un lieu extrêmement prisé donc il faut s’attendre à faire partie des foules ! - 9-11 janvier : Nishinomiya-jinja Toka Ebisu à Nishinomiya (préfecture Hyogo)
Le sanctuaire Nishinomiya-jinja accueille chaque année l’un des 3 plus importants festivals Toka Ebisu (avec ceux de Kyoto et d’Osaka). La particularité ici, c’est que le 10 janvier, dès 6h du matin, la porte principale s’ouvre et des jeunes hommes s’élancent sur un parcours de 200 mètres sous le son des taiko. Les trois premiers arrivants seront couronnés « chanceux », le premier devenant quant à lui « le plus chanceux ». La chance, ça se mérite, parfois ! - 9-11 janvier : Suito Fukiage-jinja Toka Ebisu à Wakayama (préfecture de Wakayama)
Dans la ville de Wakayama, ce festival Toka Ebisu a la particularité de proposer des noshiame, des bonbons aux motifs rose et blanc censés porter chance. Fabriqué à la main selon une tradition ancienne, ce bonbon emblématique, souvent orné d’un visage souriant d’Ebisu, symbolise bénédiction et prospérité. La fête se tient au sanctuaire Suto Fukiage-jinja, considéré comme le berceau des noshiame. - 9-11 janvier : Ebisu-jinja Toka Ebisu à Tokushima (préfecture de Tokushima)
Le festival Toka Ebisu se tient chaque année autour du sanctuaire Ebisu-jinja, au cœur de la ville de Tokushima. Sur l’avenue menant au sanctuaire, de nombreux stands s’installent, proposant des porte-bonheurs aux plus de 150 000 visiteurs de l’événement. Une belle ambiance locale et festive. - 10 janvier : Toka Ebisu Taisai à Sasebo (préfecture de Nagasaki)
Dans la ville de Sasebo, le sanctuaire Kameyama Hachiman-gu célèbre chaque année Toka Ebisu durant une journée, le 10 janvier, à travers diverses animations locales et festives. - 19-20 janvier : Asakusa Hatsuka Ebisu à Tokyo
Si Toka Ebisu est une fête quasiment exclusive à l’ouest du Japon, il existe néanmoins un événement qui se tient à Tokyo 10 jours plus tard, le 20 janvier. Le sanctuaire Asakusa-jinja célèbre Ebisu et propose des porte-bonheurs pour l’année à venir.
J’espère que cet article vous aura permis de découvrir cette tradition assez méconnue de Toka Ebisu, des festivals qui proposent une atmosphère conviviale et chaleureuse en plein hiver. Pour encore plus d’idées et de recommandations pour votre voyage au Japon en hiver, n’hésitez pas à lire mon article complet sur l’hiver au Japon et celui sur Seijin no Hi, un jour férié poétique qui tombe généralement à la même période que Toka Ebisu.