Ganjitsu, le jour de l’An au Japon
Si le Nouvel An japonais se vit sur la durée, ponctué de différents rituels et événements qui s’étendent sur plusieurs jours, voire quelques semaines, le 1er janvier est le jour où tout recommence. Appelé Ganjitsu, littéralement « le jour originel », le premier de l’An est un jour férié à part entière. Autrefois célébré au début du mois de février, à l’instar du Nouvel An chinois, il n’est fixé au 1er janvier que depuis l’adoption du calendrier grégorien en 1873. Aujourd’hui, je vous propose de se focaliser non pas sur la période du Nouvel An, mais uniquement sur Ganjitsu, le premier jour de l’année. Entre paysages matinaux, nouveaux espoirs, spiritualité et shopping, c’est tout un Japon qui se réinvente !
Ganjitsu, le 1er janvier au Japon
Contrairement à d’autres pays où la fête se tient surtout durant le réveillon de la Saint-Sylvestre, ce n’est pas tant la fin de l’année que l’on célèbre au Japon, mais plutôt son commencement. Les festivités du Nouvel An ont ainsi lieu toute la journée du 1er janvier, et elles continuent même les jours suivants. Ganjitsu représente un jour symbolique qui présage de l’année à venir : n’importe quelle action devient presque rituelle car elle constitue la première de l’année ! La première visite au sanctuaire (hatsumode), le premier lever du soleil (hatsuhinode), le premier rire (hatsuwarai), le premier rêve (hatsuyume), le premier achat (hatsuuri)… Même les plus petites actions deviennent symboliques et servent de boussole pour l’année qui vient !



Pour beaucoup de Japonais, le Nouvel An commence à minuit dans un temple ou un sanctuaire. Même le plus petit lieu de culte perdu dans la campagne s’anime pour l’occasion, avec parfois des distributions de mochi ou d’amazake, des stands de nourriture, voire, plus rarement, des feux d’artifice. On vient y faire sa première prière de l’année et tirer son premier omikuji, la prédiction divine, qui renseigne sur la chance concernant toute l’année à venir. Pour cela, il fait bien souvent faire la queue, très longtemps dans les endroits les plus connus. Il est de coutume de rester éveillé toute la nuit jusqu’au lever du soleil, mais ce ne sont que les vaillants qui respectent cela, les autres se contentant de se réveiller assez tôt pour pouvoir assister au premier lever du soleil de l’année depuis un observatoire ou un joli point de vue, les lieux célèbres étant généralement bondés pour l’occasion.
Pour déjeuner et dîner, les familles mangent traditionnellement de l’osechi ryori, la cuisine du Nouvel An japonais. C’est une cuisine ultra codifiée servie dans de grandes boîtes compartimentées appelées jubako. Chaque bouchée a un sens : œufs de hareng pour la fertilité, racine de lotus pour la vision claire, crevette pour la longévité… C’est un repas très sophistiqué qui demande beaucoup de préparation, c’est pourquoi de nombreuses familles se contentent de le commander en réservant plusieurs semaines à l’avance. La soupe ozoni, à base de mochi, varie selon les régions mais est également un incontournable. Pour porter chance à toute la maisonnée, on trinque parfois au toso, un sake médicinal infusé aux herbes, bien que cette pratique soit plus rare. Pendant que les adultes partagent ces mets traditionnels, les enfants, eux, ont les yeux rivés sur les otoshidama, des enveloppes décorées contenant de l’argent, glissées par les membres de la famille.
D’autres familles n’ont quant à elles pas forcément le temps de s’attabler à la maison avec de la cuisine traditionnelle, et elles se rendent alors dans les quelques restaurants ouverts à cette période de vacances, notamment les family restaurants. Ainsi, quasiment tous les restaurants, même les chaînes médiocres, sont bondés et nécessitent de l’attente ! C’est donc l’un des pires jours de l’année pour se faire de bonnes adresses !
La période du Nouvel An au Japon


Les vacances du Nouvel An japonais s’étirent généralement entre le 29 décembre et le 3 janvier, parfois plus en cas de week-end précédant ou suivant la période. Constituant l’un des trois grands temps de vacances avec la Golden Week en avril/mai et O-Bon en août, cette période voit de nombreux lieux fermer exceptionnellement leurs portes pour l’occasion : musées, boutiques, restaurants, administrations, bureaux… Beaucoup de Japonais retournent auprès de leur famille pour les fêtes, ce qui a pour conséquence de rendre les autoroutes et trains très bondés.
La période du Nouvel An n’est pas la plus évidente pour voyager au Japon, car la fête ne se tient pas dans les rues comme on pourrait le voir ailleurs, mais elle se vit en famille, dans l’intimité des maisons. Les transports sont difficiles à prendre, et plein de lieux sont exceptionnellement fermés. Les premiers jours de l’année peuvent paraître morts et on se retrouve alors sans savoir quoi faire. Pourtant, le Nouvel An japonais offre l’occasion de vivre un Nouvel An totalement différent de ce que l’on connaît, plus contemplatif et spirituel. Surtout, les temples et sanctuaires deviennent des lieux chaleureux et animés, faisant même des plus anodins des lieux intéressants à découvrir. Après les premiers jours de l’année, ce sont d’autres rituels qui rythment le mois de janvier, avec notamment Dezomeshiki, les parades de pompiers, Seijin no Hi, le jour de l’accès à la majorité durant lequel des kimono habillent les rues le deuxième lundi de janvier, les foires de Toka Ebisu du 9 au 11 janvier, ou encore le rituel du feu Dondoyaki autour du 14 janvier.
Que faire pour le jour de l’An au Japon ?



Pour des voyageurs, il n’est pas évident de savoir quoi faire en ce jour férié marqué par de nombreuses fermetures exceptionnelles et des festivités qui se vivent essentiellement dans les foyers japonais. Néanmoins, il faut se dire que c’est justement l’occasion de vivre un Nouvel An totalement différent de ce que l’on connaît. Pour vous aiguiller, voici donc quelques idées d’activités et sorties à faire pour le 1er de l’an au Japon :
- Se rendre dans les temples et sanctuaires. Que ce soit à minuit pour le passage à la nouvelle année, ou bien le lendemain dans la journée ou la soirée, les lieux de culte japonais s’animent particulièrement en ce début d’année, proposant souvent des stands de nourriture, des danses du lion shishimai (des artistes déguisés en lions venant mordre symboliquement la tête des visiteurs pour leur porter chance et éloigner les mauvais esprits), ou encore des spectacles culturels.
- Admirer le premier lever du soleil depuis un observatoire. Il en existe des milliers à travers tout le pays, aussi bien en haut de grandes tours dans les villes, au sommet d’une montagne accessible via un téléphérique, ou bien depuis une vue spectaculaire dans la campagne. Là encore, les lieux sont souvent animés et accueillent parfois des stands de nourriture. Pensez à bien vous couvrir, car les matins de janvier sont souvent très froids !
- Acheter un fukubukuro, les fameux « sacs de chance » qui sont proposés les premiers jours de l’année. Ces sacs-surprises sont proposés à un prix fixe, mais contiennent des articles dont la valeur dépasse largement le montant payé (généralement le triple). Le concept plaît beaucoup, et certains fukubukuro sont particulièrement prisés. Je vous recommande ceux des boutiques spécialisées en fonction de vos centres d’intérêt, comme par exemple des boutiques de photographie, de maquillage, de mode, une boutique de thé que vous appréciez, etc. À l’instar des temples et sanctuaires, les centres commerciaux sont eux aussi bondés durant les 3 premiers jours de l’année, et de nombreuses galeries organisent des animations festives, dont la danse du lion shishimai.
- Se balader sous la douce lumière hivernale. Bien que beaucoup de jardins ou musées soient fermés, le monde continue de tourner et il y a toujours de belles promenades à faire, notamment sous la belle lumière de l’hiver japonais, qui se caractérise par un bel ensoleillement qui donne envie de sortir flâner malgré le froid. Même durant la saison hivernale, les parcs et jardins japonais restent beaux, les arbres s’ornant de jolis yukitsuri.
- Profiter de superbes paysages enneigés. En cette période, on peut facilement se rendre dans les régions plus froides telles que Hokkaido, le Tohoku, ou les Alpes japonaises pour s’émerveiller devant la magie du Japon sous la neige.
Fêter la nouvelle année au Japon, c’est un peu entrer dans une chorégraphie de « premières fois » symboliques, où chaque sourire, bol de soupe ou rayon de soleil devient un présage pour l’année à venir. Il fait bien froid et beaucoup de lieux sont fermés, mais être sur place le 1er janvier, vivre un Nouvel An différent et découvrir une autre facette du Japon. Pour continuer à se geler les miches, découvrez mes autres articles sur les spécialités d’hiver à goûter au Japon ou bien sur le ski au Japon.









