Keiro no Hi, le jour du respect pour les personnes âgées
À la mi-septembre, quand la chaleur de l’été s’adoucit et que l’air accueille les premiers signes de l’automne japonais, le Japon dédie une journée entière à ses aînés. Keiro no Hi, le jour du respect pour les personnes âgées, invite chacun à exprimer sa gratitude envers les générations qui l’ont précédé et à célébrer la longévité. Née d’une initiative locale en 1947, puis devenue jour férié national en 1966, cette fête est aujourd’hui l’occasion de remercier les anciens, de partager un moment de convivialité en famille, mais aussi de nourrir une réflexion sur l’avenir d’une société vieillissante. Aujourd’hui, je vous propose d’en apprendre plus sur cette fête, qui unit mémoire familiale et regard vers l’avenir.
Keiro no Hi, le jour de reconnaissance envers les personnes âgées
L’histoire de Keiro no Hi remonte à 1947, dans le village rural de Nomadani, niché dans les montagnes de la préfecture de Hyogo. Le maire de l’époque décida de mettre en place une journée pour célébrer les habitants âgés de 55 ans et plus. Dans un Japon marqué par les blessures de la guerre, cette initiative visait à remonter le moral des anciens et à rappeler leur rôle essentiel dans la reconstruction de la communauté. La date du 15 septembre fut choisie car elle correspondait à une période de calme entre les travaux agricoles, avec un climat agréable pour les festivités. Pour donner un ancrage symbolique à cette célébration, on évoqua aussi la légende de la cascade de Yoro, où l’eau se serait changée en sake afin de rendre la vigueur à un vieil homme grâce au dévouement de son fils. Cette histoire, perçue comme un modèle de piété filiale et de reconnaissance envers les aînés, illustre parfaitement l’esprit de la fête. Baptisée d’abord Toshiyori no Hi (la journée des anciens), cette célébration locale devint rapidement populaire et fut adoptée par d’autres communes, avant d’être officialisée par la préfecture de Hyogo en 1950. Lorsque le gouvernement japonais en fit un jour férié national en 1966, le nom fut changé en Keiro no Hi, le jour du respect pour les personnes âgées. Le terme keiro, plus solennel et honorifique que toshiyori, met l’accent sur le respect dû aux aînés, et convient mieux à une fête de portée nationale.
Jusqu’en 2003, la fête avait lieu chaque 15 septembre. Mais dans le cadre de la réforme des Happy Mondays visant à instaurer davantage de week-ends prolongés, la date fut déplacée au troisième lundi de septembre. Certains regrettèrent ce changement, attachés à la date historique, et pour conserver ce lien symbolique, le 15 septembre est aujourd’hui encore parfois désigné comme la journée des personnes âgées, marquant le début d’une Semaine des aînés qui dure jusqu’au 21 septembre. Keiro no Hi est donc une fête à double visage : un jour férié mobile célébré le troisième lundi de septembre, et une date fixe, le 15 septembre, qui reste commémorée.
Avec Shubun no Hi, un autre jour férié qui tombe autour du 22-23 septembre, il arrive qu’une série de 4 ou 5 jours de repos consécutifs se crée, constituant alors la Silver Week, une période de vacances en septembre. Son nom fait référence à la fameuse Golden Week, mais la couleur argentée évoque également les cheveux des personnes âgées. La Silver Week n’a pas lieu tous les ans, mais Keiro no Hi constitue au minimum un week-end de 3 jours chaque année.
Keiro no Hi 2025 : lundi 15 septembre 2025
Keiro no Hi 2026 : lundi 21 septembre 2026
Keiro no Hi 2027 : lundi 20 septembre 2027


Depuis son instauration, Keiro no Hi a accompagné les profondes mutations démographiques du Japon. Au début des années 1960, le pays ne comptait qu’une poignée de centenaires, à peine plus d’une centaine répartis dans tout l’archipel. Aujourd’hui, le Japon compte plus de 95 000 centenaires, dont une grande majorité de femmes. Depuis 1963, chaque Japonais atteignant l’âge de 100 ans reçoit une coupe à sake en argent et un message de félicitations de l’État. Mais face à l’explosion du nombre de centenaires, la taille des coupes a été réduite en 2009 et, depuis 2016, elles sont fabriquées dans un alliage moins coûteux pour limiter les dépenses.
Cette évolution démographique, inédite dans l’histoire du pays, a naturellement influencé la façon de vivre la fête. Plus qu’un simple rituel figé, Keiro no Hi s’est transformé en une célébration adaptée aux réalités locales et familiales. Il n’existe pas de rituels nationaux codifiés, ce qui laisse à chacun le soin de marquer la journée à sa manière. Beaucoup de Japonais rendent visite à leurs parents âgés, organisent un repas au restaurant ou à la maison, ou prennent simplement le temps de partager un moment ensemble. Les enfants offrent souvent des dessins, des cartes ou de petits cadeaux faits main, tandis que les adultes envoient des fleurs, des boîtes de wagashi, du thé ou même de la bière artisanale. Dans les écoles et les maisons de retraite, on organise des concerts, des spectacles de danse, des démonstrations sportives ou des repas spéciaux. Certaines municipalités distribuent des présents aux doyens de la commune, et les médias diffusent chaque année un portrait des plus vieux habitants du pays, rappelant les records de longévité du Japon. Keiro no Hi n’est donc pas seulement un moment de gratitude familiale. C’est aussi un temps de réflexion collective : les responsables politiques et les associations profitent de cette date pour insister sur la nécessité de mieux intégrer les aînés dans la société, de renforcer les services de santé et de promouvoir un vieillissement actif et digne.
Les festivals pour Keiro no Hi


Même si Keiro no Hi n’est pas associé à des rituels spécifiques, le mois de septembre est une période où le Japon vibre encore au rythme des matsuri, parfois pile le jour de Keiro no Hi, ou dans le week-end prolongé qui l’entoure. Voici par exemple quelques idées de festivals à découvrir autour de Keiro no Hi :
- 12-14 septembre : Kishiwada Danjiri Matsuri à Kishiwada (préfecture d’Osaka)
À Kishiwada, au sud de la préfecture d’Osaka, d’immenses chars en bois (danjiri) sont lancés à pleine vitesse dans les rues étroites. Une fête de force et de précision, vieille de plus de 300 ans, qui attire chaque année des centaines de milliers de spectateurs. - 12-18 septembre : Hojoya à Fukuoka (préfecture de Fukuoka)
Depuis plus de 1000 ans, le sanctuaire Hakozaki organise la fête Hojoya. À l’origine, il s’agissait de libérer des animaux pour célébrer la vie. Aujourd’hui, ce sont les centaines de stands, les processions de mikoshi et l’atmosphère de foire populaire qui font vibrer la ville de Fukuoka. - 14-16 septembre : Tsurugaoka Hachiman-gu Reitaisai à Kamakura (préfecture de Kanagawa)
Le grand sanctuaire Tsuruoka Hachiman-gu à Kamakura célèbre son festival annuel avec des processions et, surtout, une démonstration de yabusame : des archers en armure décochent leurs flèches à cheval lancé au galop. Un rituel impressionnant, hérité des samurai. - 15 septembre : Tono Hachiman-gu Reitaisai à Tono (préfecture d’Iwate)
Au cœur du Tohoku rural, la petite ville de Tono rassemble plus de 60 troupes venues présenter leurs danses et musiques traditionnelles. Entre danses du cerf, kagura et chants festifs, l’événement offre une plongée dans le folklore des campagnes japonaises. - 15-17 septembre : Ishioka Matsuri à Ishioka (préfecture d’Ibaraki)
À une centaine de kilomètres de Tokyo, la ville d’Ishioka accueille l’un des plus grands festivals du Kanto. Mikoshi, chars illuminés et danses du lion (shishi-mai) animent la ville, transformée en une immense fête populaire où se mêlent ferveur et stands de nourriture.
D’une initiative villageoise dans l’immédiat après-guerre à un jour férié national, Keiro no Hi rappelle que vieillir, loin d’être un déclin, peut être vécu comme une richesse collective. J’espère que cet article vous a plu, et si le thème des générations au Japon vous intéresse, n’hésitez pas à lire mes articles sur Seijin no Hi, le jour de l’accès à la majorité en janvier, et sur Kodomo no Hi, le jour des enfants en mai : autant de fêtes qui dessinent, à travers le calendrier japonais, une véritable célébration des âges de la vie.









