Inami, la cité des sculptures de bois
Située dans l’ouest de la préfecture de Toyama, la cité d’Inami est connue dans tout le Japon pour son impressionnant savoir-faire en sculpture sur bois. Né autour du temple bouddhique Zuisen-ji, fondé à la fin du XIVe siècle, le village s’est transformé au fil du temps en un véritable centre artisanal. Après l’incendie qui a ravagé le temple il y a environ 250 ans, des sculpteurs venus de Kyoto, menés par le maître Maekawa Sanshiro, sont venus superviser sa reconstruction. Ils ont transmis leur technique aux charpentiers locaux, posant les bases du style si particulier qui fait aujourd’hui la renommée d’Inami. Rattaché à la ville de Nanto, le bourg offre un joli détour lors d’un séjour dans la région de Hokuriku. On y arrive facilement en bus (1h de trajet), ou en combinant Shinkansen, train local et bus depuis la ville de Takaoka. Aujourd’hui, je vous propose donc de découvrir Inami, un village-musée en pleine activité, où près de 200 sculpteurs transforment le bois en art au quotidien.
La rue Yokamachi-dori



Axe principal du bourg, la rue Yokamachi-dori mène tout droit au temple Zuisen-ji. Son tracé rectiligne, bordé de maisons à façades en treillis et de devantures finement sculptées, conserve l’atmosphère d’une ancienne ville-temple de l’époque d’Edo. À Inami, l’artisanat fait partie du quotidien : les ateliers donnent directement sur la rue, on entend les outils travailler le bois, et l’odeur des copeaux accompagne la promenade. En avançant, on remarque une vingtaine de chats sculptés, quelques dragons, et parfois un artisan au travail. Parmi les adresses à découvrir le long de cette rue :
- Le café-galerie Zuian, qui mêle harmonieusement art et pause gourmande. On y déguste un café à la siphonneuse et un chiffon cake moelleux, dans un intérieur où céramiques, verreries et pièces sculptées cohabitent en douceur.
- La résidence Saigake Jutaku, qui date de la fin de l’époque d’Edo et est accessible librement. Elle illustre l’architecture locale : façade à treillis, murs coupe-vent, large auvent protecteur. L’intérieur conserve un dallage traditionnel et une structure ouverte sur la charpente, offrant un bel aperçu du mode de vie marchand d’autrefois.
- La brasserie de sake Wakakoma Shuzo, fondée en 1916, qui occupe un ancien entrepôt en bois et est tenue par un couple adorable. C’est là que l’on se rend après avoir fait l’atelier de sculpture de guinomi pour le remplir de sake fraîchement produit à la brasserie.
- La boutique Yoshimura, fondée il y a près de 60 ans, qui est l’une des institutions d’Inami. Elle est connue pour son inaka manju, un petit gâteau vapeur au cœur d’azuki à peine sucré, enveloppé d’une pâte blanche délicate. Les propriétaires sont aussi généreux que leurs manju ! Le lieu vaut autant pour les douceurs que pour le décor bourré de sculptures en bois et d’automates d’un autre temps.
- L’atelier Inami Kibori Kogeikan, qui constitue à la fois une boutique et un espace d’exposition. Le lieu met en lumière le savoir-faire des sculpteurs d’Inami : on y découvre notamment des ranma (ces panneaux ajourés installés au-dessus des portes dans l’architecture japonaise), des masques de lion shishi-gashira, ainsi que des pièces plus contemporaines. L’atelier propose également des initiations à la sculpture, sur réservation.
Le temple Inami Betsu-in Zuisen-ji



Tout au bout de la rue Yokamachi-dori, impossible de le rater : l’immense temple Inami Betsu-in Zuisen-ji est le cœur battant d’Inami. Majestueux, tout en bois et niché au creux des montagnes, son bâtiment d’origine fut détruit par un incendie en 1764. Pour la reconstruction, on fit venir un grand maître sculpteur de Kyoto, Maekawa Sanshiro. Il débarqua avec ses outils, son talent, et quelques compagnons, et c’est là que l’histoire d’Inami prit un tournant, faisant des lieux une véritable cité du bois. Certaines de ses œuvres ornent encore le temple, comme un dragon qui trône sur le grand portail d’entrée, haut de 17 mètres. La légende veut que le dragon ait sauvé le temple des flammes en recrachant l’eau du puits. Une belle image, à la mesure du respect qu’on voue ici à l’art du bois.
L’accès au temple coûte 500 yens, et on peut alors s’aventurer dans le pavillon principal, qui impressionne par ses dimensions : 450 tatami de surface. On arpente les couloirs du temple, chaussettes aux pieds, et partout, des détails viennent surprendre l’œil : un motif floral, un animal mythique, ou même un panneau Défense de fumer discrètement gravé dans le bois, histoire de ne pas jurer dans le décor. Autour du temple, on flâne entre les toits courbés, le clocher et les échos ronds du mokugyo, cette cloche de bois qui rythme la prière.
Le musée Inami Choukoku Sogo Kaikan


Ouvert en 1993, le musée Inami Choukoku Sogo Kaikan se trouve un peu à l’écart de la rue Yokamachi-dori, à environ 13 minutes de marche. Cet endroit rassemble plus de 200 pièces couvrant 250 ans de sculpture sur bois. On y croise aussi bien des ranma ajourés que des têtes de lion shishi-gashira, des maquettes de sanctuaires miniatures, ou encore des œuvres contemporaines qui dépoussièrent l’artisanat traditionnel. L’un des murs est entièrement dédié aux outils : plus de 200 ciseaux et gouges utilisés par les maîtres sculpteurs. On découvre aussi les essences de bois locales (zelkova, hinoki, camphrier) et les grandes étapes de création, de l’ébauche au poli final. Toutes réalisées par les artisans locaux, les pièces sont exposées, mais également disponibles à l’achat, le prix étant indiqué sous chacune d’elles.
L’atelier de guinomi



À Inami, on peut s’initier à la sculpture le temps d’un atelier d’une heure, généralement organisé au temple Joren-ji. On s’installe sur les tatami, maillet dans une main, et on est guidé par un artisan du village. L’objectif est de façonner un guinomi, une coupe à sake en bois. Une fois l’atelier terminé, on file à la brasserie Wakakoma toute proche pour remplir son guinomi de sake local et apprécier le mariage entre le nihonshu et les arômes du bois hinoki. L’expérience coûte 3 500 yens, la réservation est obligatoire et peut se faire sur le site de la ville de Nanto.
Le ryokan Touzansou


Pour prolonger le séjour dans l’ambiance feutrée d’Inami, le ryokan Touzansou est une auberge traditionnelle nichée juste en face du temple Zuisen-ji. Autrefois halte des pèlerins, ce ryokan fondé à la fin du XVIIe siècle a conservé tout son charme d’antan : architecture en bois, tatami grinçant doucement sous les pas, jardin intérieur et cloisons coulissantes. Partout, des sculptures d’Inami s’invitent dans le décor, notamment de superbes ranma sculptés dans les chambres. Un voyage dans le temps… pour des prix d’un autre temps également, puisqu’ils commencent à partir de 5 500 yens par personne la nuit (sans repas), et à peine plus du double en demi-pension, avec un repas kaiseki maison. Le rapport qualité/prix est imbattable ! Au petit matin, on savoure son thé face au jardin dans le calme absolu. Attention toutefois à bien s’y prendre à l’avance car le ryokan n’a que 3 chambres.
Les hôtels Bed and Craft



Autre belle option pour se loger à Inami, les hôtels Bed and Craft offrent une expérience de séjour aussi singulière qu’immersive. 6 maisons traditionnelles centenaires, autrefois inoccupées, ont été restaurées avec soin dans le centre d’Inami par des artisans locaux. Chaque maison possède son propre style, marqué par le geste d’un sculpteur, d’un laqueur ou d’un teinturier, et se situe aux alentours de la rue Yokamachi-dori. C’est un peu un hôtel dispersé, où chaque hébergement est une petite œuvre d’art habitable. En plus du confort et du cachet de ces maisons indépendantes, les hôtes peuvent s’initier à des savoir-faire locaux. Tailler une cuillère, laquer une paire de baguettes, ou encore teindre un foulard : plein d’expériences en intimité auprès d’artisans sont possibles avec la réservation !
Les autres lieux à voir à Inami



Parmi les autres lieux qui méritent un détour à Inami, le sanctuaire Inami Hachiman-gu se trouve à une quelques minutes à pied du temple Zuisen-ji, perché sur une petite colline boisée. Il occupe l’ancien site d’un château féodal dont il reste encore quelques murs de pierre, et son bâtiment principal, en zelkova, fut édifié en 1861 par un éleveur de vers à soie. Le parc Kanjoji Koen, quant à lui, invite à embrasser un panorama imprenable sur les environs. Au printemps, quand les rizières sont inondées pour la plantation, la vue est spectaculaire : à la tombée du jour, les miroirs d’eau reflètent les dernières lueurs du ciel. Enfin, le sanctuaire Takase-jinja est l’un des plus importants du coin, dédié à Okuninushi, dieu de la médecine et des bonnes rencontres, ainsi qu’à deux autres divinités liées à la santé et au travail.
Les spécialités à goûter à Inami



Inami ne se découvre pas qu’avec les yeux : les découvertes culinaires font également partie de la visite ! Il n’y a pas énormément de restaurants et cafés sur place, mais on trouve tout de même de belles adresses pour déguster les différentes spécialités locales :
- Inaka manju
Créé il y a 60 ans par la boutique Yoshimura, ce petit gâteau vapeur au cœur d’azuki est devenu un emblème d’Inami. Sa pâte blanche fine évoque la neige sur les montagnes, et son goût peu sucré en fait un en-cas léger et réconfortant. À savourer sur place avec un thé vert, dans la boutique décorée de sculptures et d’automates d’un autre temps. - Taro manju
Version locale et végétale du manju, celui-ci est farci de purée de taro, tubercule cultivé dans la région. Moelleux, légèrement mauve et peu sucré, il offre une agréable texture fondante et un goût très doux. On peut en acheter au relais touristique ou dans les boutiques du centre. - Nihonshu
Le nihonshu produit à Inami par la brasserie Wakakoma se distingue par sa rondeur. Fabriqué avec l’eau claire de la région et du riz local, il se déguste sur place, idéalement dans le petit guinomi en bois que vous venez de sculpter vous-même ! - Soba
Les nouilles soba sont associées depuis longtemps aux régions rurales du Japon. À Inami, on peut en déguster au restaurant Matsuya, ouvert depuis 1912. Le chef y prépare 3 types de soba faits à la main, dont une variété rustique appelée inaka soba. - Sansai
Les sansai, ces plantes sauvages du printemps (fougère, bambou, fuki), sont récoltées dans les montagnes autour d’Inami. En tempura, elles deviennent croustillantes, avec une légère amertume végétale. - Masu-zushi
C’est un sushi pressé à la truite marinée, emblématique de la préfecture Toyama. Présenté dans une boîte ronde tapissée de feuilles de bambou, le masu-zushi se trouve facilement dans les supérettes d’Inami. - Hoshigaki
À l’automne, les maisons de la région se parent de guirlandes de kakis suspendus sous les avant-toits. Séchés lentement à l’air libre, ils deviennent bruns, sucrés, presque confits. Ces hoshigaki se mangent tels quels ou dans du yaourt. À goûter si vous passez en fin d’année à Inami. - Curry
Le curry japonais n’est pas particulièrement une spécialité d’Inami, mais le restaurant Kuroneko3, installé dans une vieille maison rénovée de la rue Yokamachi-dori, mérite absolument le détour ! C’est clairement mon adresse préférée à Inami, proposant du curry aux multiples épices, préparé chaque jour avec des légumes locaux.
Les festivals et événements à Inami
Inami a beau être un petit bourg, son calendrier de festivals est plutôt bien rempli. Au fil des saisons du Japon, les lieux s’animent avec des matsuri, fêtes locales, rituels et ses moments forts. Voici une sélection d’événements à découvrir si votre séjour tombe au bon moment :
- 1–3 mai : Fukuno Yotaka Matsuri
Des lanternes géantes défilent dans les rues au rythme du chant Yoiyasa. Le 2 mai à 23h, c’est le point culminant : les porteurs grimpent sur les chars pour briser à mains nues les lanternes adverses dans une bataille spectaculaire. Unique en son genre au Japon ! - 2–3 mai : Inami Yoiyasa Matsuri
Chaque année en pleine Golden Week, le grand matsuri de printemps du sanctuaire Inami Hachiman-gu anime tout le centre-ville. Mikoshi portés par les habitants, chars décorés, lions dansants et défilés illuminés ponctuent ces deux jours de fête, avec en point d’orgue une confrontation rituelle spectaculaire entre porteurs. - 4–5 mai : Johana Hikiyama Matsuri
Un festival grandiose qui se tient chaque année pour Midori no Hi et Kodomo no Hi. Six chars fleuris richement sculptés défilent dans les rues du quartier historique de Johana, accompagnés de danses du lion, chants mélancoliques et musiques traditionnelles. L’illumination nocturne des chars crée un second spectacle, tout aussi impressionnant. - Fin juillet : Taishiden Kankosai
Une fête d’été chaleureuse mêlant rituels bouddhiques, spectacles populaires et parfois un feu d’artifice. Le temple Zuisen-ji devient le centre de festivités où se retrouvent les habitants. L’événement a lieu durant toute une semaine, mais c’est surtout le week-end qu’ont lieu les animations principales. - Tout le mois d’août (tous les 4 ans) : International Wooden Sculpture Camp
Tous les quatre ans, Inami accueille des sculpteurs du monde entier venus créer des œuvres monumentales en bois à ciel ouvert. On peut échanger avec les artistes, assister à des démonstrations, conférences et ateliers. Concerts et événements en soirée complètent cette grande célébration du savoir-faire local. La dernière édition a eu lieu en 2023, ce qui fait que la prochaine se tiendra en août 2027. - Mi-septembre : Machinami Art in Inami
Lors de ce week-end artistique d’automne, plus de 90 lieux du centre historique se transforment en galeries éphémères accueillant sculptures, photographies, céramiques et autres créations artisanales. Le soir, des centaines de lanternes illuminent les rues pour une atmosphère féerique. Des visites commentées sont organisées à l’occasion et permettent ainsi de découvrir l’art sculpté d’Inami autrement.
Les endroits à voir autour d’Inami



Facilement accessible depuis Kanazawa ou Toyama, Inami peut aussi servir de base pour explorer d’autres sites fascinants du centre de la préfecture. La région regorge de lieux chargés d’histoire ou baignés de nature, entre montagnes, rizières et gorges escarpées. Voici quelques idées d’excursions à faire autour d’Inami :
- Le ryokan Oomaki Onsen, une auberge secrète, nichée au fond des gorges de la rivière Shogawa et accessible uniquement en bateau ! Depuis le port de Komaki, on embarque pour une croisière de 30 minutes entre les falaises boisées, avant de débarquer à l’auberge perchée sur la rive. Son onsen extérieur donne directement sur la vallée. Une escapade idéale pour les amateurs de sources secrètes, le point d’embarcation étant situé à 15 minutes de route depuis Inami.
- Le quartier historique de Johana, un lieu méconnu qui offre une ambiance rétro et un charme tranquille. Ancien centre de tissage de soie, il aligne encore de belles maisons traditionnelles aux tuiles noires et façades en bois sombre qui racontent le quotidien d’un bourg prospère à l’époque d’Edo. En flânant dans les rues, on découvre de petites boutiques, un temple bouddhique imposant, et certaines maisons ouvrent leurs portes aux visiteurs. Accessible en 25 minutes de bus depuis Inami.
- Ainokura et Suganuma, deux villages emblématiques de l’architecture gassho-zukuri, avec leurs maisons au toit de chaume, offant un voyage dans le temps à travers les vallées boisées de la région. En hiver, la neige transforme les lieux en décors de conte, tandis qu’au printemps et à l’automne, les rizières et érables complètent un tableau déjà sublime, à seulement 30 minutes de route depuis Inami.
- La ville de Takaoka, une destination méconnue qui mérite pourtant une petite journée de visite. Son Grand Bouddha de 16 mètres, coulé en bronze, trône en centre-ville, tandis que le temple Zuiryu-ji impressionne par son architecture austère et majestueuse. C’est aussi la ville du bronze : depuis 400 ans, on y fabrique cloches, vases et objets d’art en alliage. Le quartier historique de Kanaya-machi conserve les maisons des fondeurs, avec leurs grilles de bois typiques. La ville rend aussi hommage à Doraemon, dont le créateur est originaire d’ici. On peut s’y rendre en 40 minutes de voiture depuis Inami.
J’espère que cet article vous aura donné envie de découvrir les charmes d’Inami, ce joyau discret de la préfecture de Toyama qui met l’art du bois à l’honneur. Pour d’autres idées de séjour, n’hésitez pas à lire mes autres articles du même type sur la ville de Gujo ou sur la ville de Takayama.









